Clandestins : l'Union européenne doit trouver des solutions

Par Cecilia Malmström  |   |  1179  mots
Cecilia Malmström, commissaire européen pour les affaires intérieures, appelle les Etats européens à prendre leurs responsabilités face à l'immigration. | REUTERS
Même si la pression migratoire s'exerce dans tous les grands pays européens, ceux de la Méditerranéenne sont particulièrement vulnérables. Des solutions existent, il faut que l'Europe agisse. Par Cecilia Malmström, commissaire européen pour les Affaires Intérieures

Nous avons tous en tête les terribles images de Lampedusa et du bateau qui a fait naufrage la semaine dernière dans les eaux maltaises. Personnellement, je n'oublierai jamais les centaines de cercueils, ou le désespoir qui envahissait le regard des survivants ou encore les images montrant les personnes qui essayaient désespérément de rejoindre les bateaux de sauvetage.

Ces évènements tragiques requièrent une réaction immédiate aux niveaux national et de l'UE. Au niveau national, il incombe aux États membres de gérer et contrôler leurs frontières et de secourir les bateaux en détresse, conformément au droit international et au droit de l'UE et aux obligations qui en découlent.

Une assistance de l'UE déjà prévue

Les États membres ayant des frontières avec des pays tiers reçoivent un financement et une assistance de l'UE afin de respecter ces dispositions: entre 2007 et 2013, l'Italie a reçu un montant de 478 millions d'euros pour gérer les flux migratoires et d'asile; la Grèce a reçu 376 millions d'euros et Malte a reçu 85 millions d'euros. Si nous considérons uniquement les fonds consacrés à la gestion des frontières, l'Italie a reçu au cours des deux dernières années 136 millions d'euros, la Grèce a reçu 89 millions d'euros, et Malte a reçu 35 millions d'euros.

Une assistance opérationnelle est également offerte par l'agence européenne pour les frontières Frontex: Frontex coordonne actuellement cinq actions en Méditerranée pour assister les pays dans leurs opérations de surveillance, d'interception et de sauvetage.

 Une pression migratoire dans tous les grands pays européens...

Permettez-moi également de souligner que l'accroissement des pressions migratoires et de l'asile n'est pas seulement un problème dans les pays méditerranéens. En fait, la plupart des demandes d'asile sont traitées par d'autres États membres. Sur les 330 000 demandes d'asile enregistrées dans les pays de l'UE en 2012, 70 % ont été déposées dans cinq États membres seulement: l'Allemagne (75 000), la France (60 000), la Suède (44 000), la Belgique (28 000) et le Royaume-Uni (28 000). En 2012, l'Italie a reçu 15 700 demandes d'asile et Malte 2 000.

 ... mais une pression croissante sur les pays méditerranéens

Néanmoins, il est aussi évident que la pression croissante exercée sur l'Italie, Malte, la Grèce et les autres pays méditerranéens constitue un problème européen; et qu'une bonne gestion des flux migratoires et d'asile au niveau national doit s'accompagner d'initiatives et de mesures au niveau de l'UE.

Ces jeudi et vendredi,  les 24 et 25 octobre, les chefs d'État et de gouvernement de l'UE examineront les politiques de migration et d'asile au lendemain de Lampedusa et s'efforceront de trouver des réponses à la question «comment prévenir d'autres tragédies?». Ce sommet sera une occasion unique pour les dirigeants européens de montrer que l'Union est fondée sur le principe de solidarité et le soutien mutuel.

Les propositions de la commission

La Commission européenne a déjà recensé certains points de discussion qui, nous l'espérons, seront pris en considération lors de cette réunion.

Les actions de sauvetage récentes qu'ont menées conjointement l'Italie et Malte ont permis de sauver des centaines de personnes et ont prouvé que les efforts de surveillance accrus et coordonnés étaient fondamentaux pour empêcher les décès dans les eaux de la Méditerranée. C'est pourquoi la Commission européenne propose que Frontex lance une vaste opération de recherche et de sauvetage en Méditerranée, de Chypre à l'Espagne, dans le but de sauver des vies.

Une telle opération, associée aux technologies de pointe d'EUROSUR, nous permettra de mieux détecter, localiser et identifier les bateaux et les navires, et partant de les secourir plus vite et de sauver des vies. Elle constituera également un exemple concret de solidarité et de soutien mutuel.

Engager de nouvelles ressources financières et techniques

Cependant, cette opération ne pourra fonctionner que si tous les États membres sont disposés à engager de nouvelles ressources financières et techniques. La Commission et les experts de Frontex évaluent déjà les besoins de cette opération et les ressources nécessaires à sa réalisation, qui sera impossible sans une nouvelle contribution urgente des États membres.

Le Conseil européen devrait également aborder le renforcement de la coopération et du dialogue avec les pays d'origine et de transit des migrants et des demandeurs d'asile, en particulier la Libye, afin de s'attaquer aux racines du problème. L'UE devrait ouvrir de nouvelles voies pour la migration régulière et lutter plus efficacement contre la migration irrégulière et les criminels derrière ces voyages de la mort qui exploitent le désespoir de ces êtres humains.

Lutter contre l'immigration clandestine

Nous avons déjà adopté un partenariat pour la mobilité avec le Maroc, qui ouvre la voie à cette nouvelle approche, et nous aimerions faire de même avec la Tunisie, l'Égypte, et d'autres pays d'Afrique du Nord. Un engagement clair de la part de tous les pays de l'UE aura certainement une incidence positive sur les possibilités de négocier ce type d'accords, ainsi que sur les efforts consentis en faveur de la stabilité et de la consolidation de la démocratie dans des pays tels que la Libye.

La Commission européenne estime également qu'il est nécessaire que les États membres s'engagent plus nettement dans la réinstallation en coopération avec Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, afin de créer des voies sûres vers l'Europe pour les personnes ayant besoin d'une protection internationale.

Aux Etats membres de prendre leurs responsabilités

L'UE, et en particulier les pays subissant moins de pressions migratoires et d'asile, devraient jouer un rôle plus actif dans la réinstallation de ces personnes sur leur territoire. De véritables efforts européens où tous les États membres prennent leurs responsabilités peuvent réellement contribuer à éviter que les personnes placent leur vie dans les mains des marchands de la mort.

Nous devrions accorder une attention particulière aux réfugiés les plus vulnérables, comme les enfants, les personnes âgées et les malades afin qu'ils arrivent en toute sécurité dans l'UE. Dans certains cas, cela est possible en délivrant des visas humanitaires ou en offrant la possibilité d'introduire une demande d'asile auprès des consulats des pays de l'UE.

L'UE doit prouver sa capacité d'agir

À la suite des récentes tragédies qui se sont produites, l'UE doit démontrer qu'elle est en mesure de trouver des solutions. Tous les États membres ont fait part de leur volonté commune d'agir en vue d'éviter que de terribles événements du même type ne se répètent. Tous les gouvernements européens ont convenu que cela ne pouvait plus se reproduire. Je suis convaincu que le Conseil européen trouvera des moyens concrets de traduire cette détermination en action.