L'assurance maladie est-elle encore utile ?

Par Gérard Larcher, sénateur des Yvelines  |   |  860  mots
Gérard Larcher veut donner une plus grande légitimité démocratique à l'assurance maladie
L'appareil politico-administratif de l'assurance maladie ne fonctionne pas bien. L'Etat doit reprendre la main. Par Gérard Larcher, sénateur des Yvelines, ancien ministre, Fondateur et Président du Cercle Innovation Santé

 Notre système de protection de la santé est à bout de souffle. Aucune des réformes successives n'a permis d'équilibrer les comptes de l'assurance maladie. Les déséquilibres d'abord qualifiés de « temporaires » sont devenus aussi permanents que structurels et grèvent la croissance de la France en même temps que la compétitivité des entreprises.

Sans remettre en cause le financement collectif des dépenses de soins, il paraît aujourd'hui légitime de s'interroger sur l'utilité et la pertinence de l'appareil politico-administratif de l'assurance-maladie.

Un système universel, et non une assurance

Celle-ci n'est plus une assurance. Notre système est universel et organise un double transfert : il va du bien portant au malade et du plus riche au plus pauvre par le biais de la CSG et des cotisations proportionnelles aux revenus. De l'assurance, ne restent que le nom et les structures.

 Le Cercle Santé Innovation, think tank indépendant que j'ai fondé avec l'ensemble des fédérations d'offreurs de soins, avance aujourd'hui des propositions pour réformer en profondeur cette institution et lui redonner efficacité et légitimité, tout en sauvegardant ses principes fondateurs de solidarité.  Sa vision est basée sur le postulat qu'il ne faut ni augmenter une fiscalité déjà lourde, ni toucher à la solidarité, tout en rémunérant justement les acteurs du système et en anticipant les révolutions technologiques qui s'annoncent.

 Financer autrement les dépenses de santé

Concernant le financement, le Cercle Santé Innovation propose de réformer non seulement celui de l'assurance maladie, mais plus largement celui des dépenses de santé : déterminer le juste niveau de dépenses, optimiser les processus de soins, intensifier la lutte contre les actes inutiles, mieux coordonner les acteurs. Plus largement, à l'heure où le renforcement de la compétitivité de nos entreprises est une priorité, nous préconisons d'élargir les recettes de l'assurance maladie en mettant à contribution l'ensemble des revenus, ceux du travail comme ceux du capital. Il est urgent de dé-corréler les dépenses de santé des coûts pesant sur la compétitivité économique car seule une diminution du coût du travail permettra une amélioration de la capacité d'investissement des entreprises.

 Redonner de la légitimité démocratique à l'assurance maladie

Au-delà, nous avançons des propositions novatrices pour redonner à l'assurance maladie la légitimité démocratique qui lui fait aujourd'hui défaut. Alors que l'appareil administratif de l'Assurance Maladie a été pensé et créé par ses fondateurs comme organisme de gestion, il s'est érigé au fil du temps comme le régulateur politique du système. Au-delà du double pilotage induit (Etat et Assurance Maladie), cette situation est problématique en raison de l'absence de légitimité démocratique de l'assurance maladie, qui n'a plus connu d'élection depuis le début des années 1980. Si les partenaires sociaux étaient initialement au cœur du pilotage d'un système conçu pour faire contrepoids au système parlementaire, il ne reste aujourd'hui plus grand chose de l'esprit originel de démocratie sociale imaginé par le Conseil National de la Résistance.

 Une agence sous contrôle de l'Etat

Pour pallier ces dérives, le Cercle Santé Innovation propose de réaffirmer les prérogatives de l'Etat dans le pilotage du système et dans les choix de financement. Un pilote unique doit reprendre en main le système : l'actuelle institution Assurance Maladie devrait être remplacée par une agence sous contrôle de l'État, composée de représentants de l'Etat, des partenaires sociaux mais aussi de représentants des patients. Son rôle serait de piloter le système, de répartir les fonds, de décider la politique de tarification et de remboursement, de gérer concrètement le risque, de soutenir des programmes de santé publique, d'animer la politique de prévention…

En un mot, il est urgent que les choix politiques de notre système de santé soient repris en main par les acteurs politiques et que les instances administratives retrouvent leur rôle : celui de gérer le système, de collecter les recettes et de liquider les dépenses.

 Une rupture démocratique

Pour autant, le Cercle Santé Innovation n'envisage à aucun moment d'étatiser notre système. Bien au contraire. Le gouvernement et le Parlement fixent les objectifs mais il est indispensable que les acteurs retrouvent une plus grande autonomie. Sinon, les objectifs ne seront pas atteints, pis, le système sera inefficace car bureaucratisé.

 Au final, c'est bien une rupture que propose le Cercle Santé Innovation. Une rupture démocratique car le citoyen est d'avantage associé ; légitime puisque l'Etat et la représentation nationale fixent les règles du jeu et équitable car elle concerne toutes les sources de revenus et tous les acteurs de santé qu'ils soient publics ou privés, hospitaliers ou libéraux. Une rupture qui ne pourra produire ses effets que si elle est portée politiquement, expliquée aux Français et conduite avec détermination.

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