Sauvons la taxe sur la finance !

Par Collectif Roosevelt (*)  |   |  906  mots
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, est l'un des opposants à la taxe sur les transactions financières
Les autorités françaises reprennent les arguments des banquiers pour saborder la future taxe sur les transactions financières. Des arguments qui ne résistent pas à l'examen. Par le groupe banque du collectif Roosevelt.

La taxe européenne sur les transactions financières (TTF) approche de la décision finale. Les pressions discrètes et les négociations en coulisse s'accélèrent pour influencer la rédaction définitive.

Comme d'habitude, et au grand mécontentement des autres pays, petits ou grands, le couple franco-allemand, qui se réunira le 19 février pour en parler, essaie de préempter la décision.

Version large des Allemands ou étroite des Français?

Officiellement, les deux ministres des finances se disent d'accord sur le champ très large des produits financiers que doit enfin couvrir cette taxe mise en œuvre bientôt par onze pays européens, peut-être bientôt rejoints par d'autres. Les Pays-Bas, sous certaines conditions, et la Lituanie ont déclaré qu'ils pourraient rejoindre les 11 signataires. En réalité, les textes émanant des deux pays sont encore assez différents, et on ne sait si c'est la version large des Allemands ou la version étroite des Français qui l'emportera.

 Les arguments des banquiers repris par les négociateurs français

En effet, depuis bientôt un an, les négociateurs français reprennent à leur compte les arguments des banquiers et financiers français, dont aucun ne résiste à l'examen. Par exemple, Christian Noyer, qui en tant que gouverneur de la Banque de France n'a plus de politique monétaire à mener, et en tant que superviseur des banques, n'a plus de banques à superviser, a beaucoup de temps disponible pour expliquer que si on taxe les transactions à haute fréquence, cela entraînera une délocalisation des activités (et donc des emplois ?. En fait, ces transactions sont effectuées à Londres par des ordinateurs : elles sont délocalisées et déshumanisées depuis plusieurs années.

 Gêner le financement? Un argument absurde

Le même ou Pierre Moscovici expliquent que l'extension de la TTF aux obligations détournerait les investisseurs du marché obligataire où les taux sont très bas, des taux très bas dont profite l'Etat français pour financer la dette. De plus, cela pénaliserait le financement des entreprises.

 C'est absurde. Les obligations publiques sont achetées une seule fois par les assureurs qui les gardent jusqu'au terme de leur remboursement. Ils ne seront aucunement gênés par une taxe minuscule ; laquelle va au contraire freiner les ardeurs de tous les spéculateurs, banquiers ou non, qui passent leur temps à racheter et revendre pour en tirer des profits instantanés. Même chose pour le financement des entreprises.

 L'hypocrisie sur la délocalisation des activités financières

Enfin nos ministres et banquiers veulent empêcher la taxation des titres mis en pension pour une nuit, ce qui procure aux banques des liquidités à très court terme avec lesquelles elles financent des opérations à long terme, comme le faisaient Dexia et le Crédit immobilier de France juste avant de faire faillite.

 Mais là où l'hypocrisie de nos dirigeants atteint son maximum, c'est qu'en même temps qu'ils prétendent être effrayés par la probable délocalisation des transactions taxées, ils s'emploient à contester le principe de la taxation des transactions à l'origine proposé par la commission européenne, qui est précisément conçue pour lutter contre l'évasion fiscale.

Cela veut dire qu'une banque française est taxée même si elle fait une transaction en dehors de l'Union européenne, par exemple à New York. En complément de ce principe, la Commission veut taxer selon le principe d'émission. Ici, le critère est l'origine de l'instrument, et non pas de l'institution financière.C'est-à-dire qu'une action française vendue à Hongkong par une banque japonaise serait aussi taxée. Le ministère français ne veut appliquer que le principe d'émission. Mais puisque la plupart des produits dérivés sont traités sur des marchés de gré à gré et ne donnent pas lieu à émission, la position française permettrait à une part importante des transactions d'échapper à la taxation.

 La France veut réduire la taxation des dérivés

Enfin, ultime cadeau aux banques et autres spéculateurs, alors que la Commission propose de taxer un produit dérivé selon la valeur nominale couverte par le produit, et non pas selon le prix du produit lui-même, la proposition française ne taxerait que le dérivé, dont l'effet de levier est souvent supérieur à 20, ce qui lui fait propager et amplifier d'autant les risques systémiques ; cela signifierait donc une réduction de la taxe d'au moins 95 %. 

 Après avoir tenté de saborder la proposition européenne de séparation bancaire, nos dirigeants et banquiers français essaient de réduire à néant une taxe qui, outre l'argent bien utile qu'elle rapporterait, aurait l'effet bien utile aussi de réduire les volumes et les profits spéculatifs, qui sont autant de prélèvements indus sur l'économie réelle.

Faisons tout pour les en empêcher.

 

Groupe Banques du Collectif Roosevelt

(*) Le Collectif Roosevelt est un lieu de formation, de débat et de mobilisations citoyennes, cette association a pour but de contribuer à la réflexion sur la naissance d'une société plus juste et plus solidaire, et de formuler des propositions concrètes en ce sens.

Il compte parmi ses fondateurs Curtis Roosevelt, petit-fils de Franklin D. Roosevelt, Stéphane Hessel, Edgar Morin, Michel Rocard et Pierre Larrouturou.