Pourquoi un nouveau krach boursier est inévitable

Par Michel Santi  |   |  604  mots
La volatilité des marchés est souvent décriée; les krachs, tenus responsables des crises des économies mondiales. Pourtant, elle constitutive du système boursier... Par Michel Santi, économiste.

Pourquoi les marchés boursiers sont-ils volatils… et pourquoi doivent-ils périodiquement subir des krachs? Après tout, leur sophistication devrait autoriser aux marchés des capitaux d'être en constante progression et de pouvoir s'apprécier régulièrement et sans soubresaut? Si ces questions nous semblent aujourd'hui saugrenues, à nous qui pratiquons et qui scrutons de près les bourses depuis de longues années, elles n'en sont pas moins compréhensibles et légitimes. Car il est indéniable que les bourses s'effondrent tout le temps: que ce soit de 10% l'an ou de 50% tous les cinquante ans!

Une stabilité à double tranchant 

Hyman Minsky y avait même consacré sa vie et ses études, pour parvenir à une conclusion que l'on ressent intuitivement : l'apparente stabilité des bourses est en fait à la source même de leur instabilité. Les consommateurs, investisseurs et spéculateurs se sentent en effet d'autant plus sécurisés et gonflés à bloc que la prospérité économique et que l'envolée des bourses s'étalent dans la durée.

Les conséquences sont de ce fait tout bonnement « humaines » car un sentiment d'invulnérabilité induit par cette stabilité - voire par cette euphorie boursière - conduit ainsi toute la palette des intervenants soit à s'endetter davantage, soit à spéculer sans filet de sécurité.

 

Les krachs, garants de la rentabilité 

Du reste, comment en serait-il autrement, car en effet une bourse qui procurerait un rendement stable et régulier - mettons de 7% l'an - et où la volatilité serait inexistante, drainerait des quantités phénoménales de capitaux qui, du coup, sur-valoriseraient les actions qui, devenant trop chères, n'offriraient dès lors plus cette rentabilité de 7%…

Et pour cause, puisque nul n'aurait plus intérêt à conserver un livret d'épargne, ni des espèces dans un contexte où les bourses autoriseraient un bénéfice plus élevé et garanti. Une telle éventualité verrait en effet la totalité du spectre des investissements s'agglutiner sur les marchés boursiers et propulser ses valorisations…tant et si bien que sa rentabilité finirait par s'effondrer.



Le paradoxe de l'économie

Il n'y a donc jamais de garantie, mais seulement la perception d'une garantie. En outre, c'est lorsque leur trajectoire semble parfaite et idéale que le moindre caillou est susceptible de faire dérailler les bourses. Sans krach et sans accident de parcours, les bourses atteindraient effectivement de tels niveaux qu'un krach serait dès lors inévitable : tel est donc le paradoxe des bourses, des investissements et, en finalité, de l'économie.

C'est également ce que Minsky nous expliquait lorsqu'il prétendait que la stabilité était elle-même source d'instabilité, car les marchés finissent toujours par s'effondrer, sans exception. Mieux : l'absence de krach boursier porte en elle les germes du futur krach.


Le krach, l'ADN des marchés

Voilà pourquoi les corrections boursières - voire leurs effondrements - ne représentent pas une anomalie ou une tare congénitale des marchés: elles font partie intégrante de leur ADN. Les krachs boursiers sont même un ingrédient essentiel et incontournable qui, précisément, autorise de générer des rendements sur le long terme.

Car c'est cette volatilité des bourses et ce sont ses décrochages plus ou moins violents mais épisodiques, qui permettent aux marchés boursiers de procurer une rentabilité supérieure à celle du livret d'épargne.

 

 

Michel Santi est un macro économiste et un spécialiste des marchés financiers. Il est l'auteur de :  "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique"