Quel avenir pour les CCI ?

Par Camille Denagiscarde  |   |  705  mots
Le réseau des chambres de commerce est affaibli. Le moment est venu de réinventer un mode de gouvernance. Par Camille Denagiscarde, Président du Syndicat des directeurs généraux des établissements du réseau des CCI

La double exigence de la réduction des déficits publics et de la réforme territoriale génère dans les CCI un climat anxiogène qui atteint leurs 5 000 élus et leurs 25 000 collaborateurs.

Envers l'Etat, il est légitime de dénoncer, depuis le précédent de 2014, une pratique de détournement des fonds provenant de l'imposition des entreprises affectée aux seules CCI. Envers les Régions, il est facile de nourrir un procès en instrumentalisation dans l'hypothèse d'une OPA, amicale ou non, des conseils régionaux sur ce réseau d'établissements publics.


Un réseau affaibli 

En somme, les CCI seraient vouées à n'être que de simples relais d'exécution d'un pilotage stratégique que se disputeraient l'Etat et les Régions, en mal de services déconcentrés. Pour les uns, en qualité d'établissements publics de l'Etat, les CCI n'auraient qu'à se soumettre aux priorités et desiderata du gouvernement et de ses relais préfectoraux.

Pour les autres, n'exerçant aucune de leurs missions en dehors des compétences des Régions, il serait temps d'acter leur soumission aux exécutifs régionaux. Chacune de ces revendications justifierait une mainmise rapide sur un réseau affaibli par un assèchement continu et autoritaire de ses moyens, fruit d'une budgétisation déjà en marche. 

 

Une structure au service des entreprises 

Mais une telle vision possessive révèle une impasse coupable sur la nature des CCI, exclusivement financées par les entreprises, et au service des entreprises. A moins que l'Etat et/ou les Régions décident de substituer vertueusement leurs financements budgétaires propres aux prélèvements obligatoires de la « taxe pour frais de chambres ». 

Car si le modèle français des CCI de droit public est basé sur une organisation élective et une contribution fiscale, il ne remet pas en cause un financement exclusivement entrepreneurial. La budgétisation en vue ne serait alors qu'un tour de passe-passe pour détourner de sa vocation une imposition affectée, par un habile blanchiment étatique ou régional. 

 

Insubordination politique 

De même, toute annexion organique des CCI par les collectivités régionales serait la négation de leur spécificité élective comme de leur démembrement historique des collectivités locales, dont elles constituent une réplique spécialisée mais de tout temps autonome.

Or l'originalité et l'utilité des CCI se fondent sur l'absence de subordination politique à toute autre entité publique, de niveau national ou régional selon le type de jacobinisme en vogue. C'est en les tenant à équidistance des alternances politiques nationale ou régionales et des appareils technocratiques de toute tendance qu'on garantira l'indépendance de leur mission.

 

Un ancrage territorial fort 

Le moment est venu de réinventer un mode de gouvernance des CCI, basé sur une primauté entrepreneuriale, assortie d'une tutelle étatique et d'un rattachement technique régional. En qualité d'établissements publics de l'Etat, il est légitime qu'elles relèvent d'une tutelle étatique, à condition que son périmètre n'empiète pas sur le champ de l'opportunité.

 A titre d'opérateurs locaux d'appui aux entreprises et aux territoires, il est normal que les financements des Régions qui abondent leurs programmes d'action impliquent une cohérence avec les schémas régionaux, dans le cadre de dispositifs contractuels exigeants.

Mais l'ADN des CCI est un ancrage territorial fort, que la réforme colbertiste de 2010 a mis à mal par une intégration verticale inflationniste et conflictuelle, alors qu'un rapprochement avec le réseau consulaire des métiers serait autrement chargé de sens et source d'économies.

 

Une révolution culturelle 

Des CCI revisitées, techniquement rattachées aux Régions et administrativement encadrées par l'Etat, mais réellement pilotées par les représentants élus des entreprises qui les financent, pourraient alors faire de réelles économies sur leurs technostructures nationale et régionales.

Car ces structures communes aux établissements du réseau des CCI, en charge des mutualisations nécessaires aux échelons pertinents, pourraient alors prendre une forme privatisée, sans perdre de leur influence, tout en gagnant en efficacité. Une révolution culturelle en somme, pour retrouver les voies d'un avenir.