Pourquoi Hollande se trompe sur l'attractivité de l'enseignement supérieur

Par François Garçon  |   |  760  mots
François Garçon, auteur de : "Formation, l'autre miracle suisse", Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2014, "Enquête sur la formation des élites", Perrin, 2011.
François Hollande se trompe quand il affirme que la France est le pays qui accueille le plus grand nombre d'étudiants étrangers. Il se trompe aussi sur les raisons du succès relatif des universités françaises hors de nos frontières. par François Garçon, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Lors de son intervention télévisée, François Hollande s'est félicité de ce que la France est en Europe la première destination des étudiants étrangers. Existe-t-il meilleure preuve selon lui de l'attractivité de notre pays ? Que vaut donc cette affirmation ?

Les meilleures universités en Grande-Bretagne, Hollande, Suisse...


En 2013, on recensait 289.274 étudiants étrangers venus en France poursuivre leurs formations dans un établissement supérieur. Leur migration tiendrait-elle à la qualité des formations que l'on peut y suivre? On se permettra d'en douter. Les palmarès internationaux, que consulte tout étudiant candidat à la migration, disent clairement, et depuis de nombreuses années, qu'en Europe, les meilleures universités sont en Grande-Bretagne, en Hollande, en Suisse, en Allemagne. Les uns à la suite des autres, les classements, y compris le plus récent du US News, répètent le même ordre d'arrivée. Pour contrer ce lent déclin, les établissements supérieurs français (écoles de commerce mises à part) ont été placés sous puissants anabolisants (les Communautés d'universités et établissements, COMUE). On navigue désormais vers des établissements gigantesques, d'où devraient sortir plein de publications et de médailles Fields. Si ça ressemble fort à l'organisation de feu le système universitaire soviétique, nul ne peut aujourd'hui prédire l'impact de ces regroupements sur les futurs palmarès.

Un étudiant étranger en Angleterre rapporte 60 fois plus


On revient à la question : pourquoi tant d'étudiants étrangers choisissent la France comme destination pour leurs études ? La raison principale est la gratuité des formations supérieures qui y sont proposées, soit un coût annuel de 183 euros en cycle Bachelor, et 250 euros en cycle bachelor. A titre de comparaison, en 2012/2013, les Britanniques accueillaient 425.265 étudiants étrangers, dont 374.310 inscrits à plein temps . Bien davantage d'étudiants étrangers qu'en France donc. Statistique facilement accessible que les lourds services de François Hollande à l'Élysée et au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche auraient dû fournir au président. A quoi s'ajoute un autre facteur, éminemment stratégique en période de crise : les droits d'inscription dont s'acquittent les étudiants en Angleterre sont en moyenne de 11.500 euros par an. Et encore s'agit-il là que d'une moyenne. Les étudiants débarqués de pays extérieurs à l'Union européenne sont soumis à des écolages plus élevés encore. Pour parler crûment, un étudiant en Angleterre rapporte 60 fois plus au ministère de l'Enseignement supérieur qu'un étudiant en France en première année de licence. On rappellera qu'en Angleterre les étudiants ont à leur disposition un système de prêt à long terme et remboursable sous conditions de ressources sur une période de 25 ans.

La France mal placée pour la collaboration université-entreprise


Puisqu'il souhaitait s'exprimer sur l'enseignement supérieur français, François Hollande aurait mieux fait de s'inquiéter de la faible connexion entre l'enseignement supérieur français et l'entreprise, ce nouveau mantra. Quand, sous l'angle de la collaboration entre les deux univers, la Suisse se situe en pôle position, avec dans sa roue la Finlande, les États-Unis, Singapour et la Grande-Bretagne, la France pointe en 31e position, dans le sillage de l'Arabie Saoudite et de l'Indonésie, selon le Global Innovation Index 2014 (page 334) . Là est le vrai enjeu de l'enseignement supérieur et la justification de son coût dont s'acquitte la collectivité, et elle seule dans le système français.
Déplorons donc qu'une fois encore, le chauvinisme, cette pathologie maligne identifiée la première fois sur un champ de bataille au 19e siècle sur un grognard dont un boulet avait emporté un bout de cerveau, ait frappé. Une fois intoxiqué, le patient développe une forme d'autisme à l'égard de tout ce qui pourrait l'inspirer, stimuler sa réflexion. Pire, convaincu d'être le meilleur en tout, persuadé de susciter l'envie du monde entier, chaque fois que Chauvin pourrait tirer profit d'une expérience étrangère, il la repousse, s'enfermant dans son narcissisme. Planté devant son décor Potemkine, il s'extasie devant sa construction imaginaire. Ce n'est pas en brandissant le « French bashing » aux sceptiques que la situation s'arrangera, mais en se mesurant aux autres, notamment à ceux qui nous doublent. Et ils sont sacrément nombreux aujourd'hui, notamment dans l'enseignement supérieur.

François Garçon

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Auteur de :
- "Enquête sur la formation des élites", Perrin, 2011
- "Le dernier verrou, En finir avec le Conseil des Universités", The Media Faculty, 2012
- "Formation, l'autre miracle suisse", Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2014.