Le foot français décroche, a-t-il une chance de se relever ?

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  915  mots
Le foot français est très mal parti, dans un contexte de capitalisme débridé. La vraie réponse, face à l'UEFA, ne peut être qu'européenne. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a

On peut s'étonner que l'Union de Clubs Professionnels de Football (UCPF) vienne porter un cri d'alarme étayé mais difficilement audible sur la situation du Football professionnel français au milieu de la tempête qui secoue l'ensemble du Football de notre pays, entre gardes à vues de présidents et soupçons de corruption ! A l'écoute attentive de la présentation faite par les présidents de l'UCPF, on peut, plus encore, s'interroger sur ce qui motive les présidents et autres investisseurs à intervenir dans le Foot en France.

Presque déjà déclassé

Le constat posé est sans appel. Le Foot français « décroche ». C'est un euphémisme ! Il est presque dores et déjà déclassé. A-t-il une chance de se relever ?
Malgré des efforts continus dans les espaces où les clubs peuvent intervenir : gestion, droits audiovisuels, sponsoring, billetterie, produits dérivés ... l'écart avec les ligues européennes concurrentes se creuse dans un monde ouvert depuis 1995 par l'Arrêt Bosman à tous les vents de la libéralisation qui effacent les frontières d'une activité paradoxalement totalement localisée et sédentarisée dans un territoire national, car activité de « main d'oeuvre », sans capacité de délocalisation.
Le résultat c'est une économie au bord de l'implosion, des résultats sportifs en berne et une compétitivité générale en totale régression.

Rattaché à l'exception culturelle?

Le Football demande donc, un peu timidement, à être rattaché à « l'exception culturelle » qui protège d'autres expressions du spectacle vivant de l'industrie culturelle française. En particulier le cinéma qui déroge en partie aux règles générales fiscales et sociales et se construit un destin, au moins européen, dans le grand marché du mainstream planétaire grâce à quelques tuyaux de financement public directs et indirects face notamment à la machine hollywoodienne. Le cinéma qui délocalise pourtant parfois ses productions, sans que personne n'y trouve redire.
Cette demande, pas vraiment encore portée officiellement, n'a que très peu de chance d'aboutir même partiellement. Pourtant il est clair que le modèle économique de « l'entreprise France », s'il existe encore, n'autorise, dans le marché du Football européen, aucun modèle économique viable pour le Football professionnel français.

Jouer l'Union européenne contre l'UEFA

La dimension et sa solution sur ce sujet comme dans beaucoup d'autres est européenne. C'est au cœur de l'Union que la France et son Football professionnel pourront, en s'alliant à d'autres, petits et autres, hors le trio Allemagne, Espagne et Grande Bretagne auxquels s'associe le Portugal, tenter de trouver les conditions d'une amélioration de leurs situations respectives. Il faut jouer l'Union Européenne et ses institutions dans une conversation musclée avec l'UEFA.

Oui, vous lisez bien, l'association présidée par le français Michel Platini, celui-même qui s'inscrit dans une démarche de défense des petits pays et ligues face aux puissants. L'UEFA du maintien des positions des puissants voire de l'accroissement des différences par le système du « Market pool » dans la redistribution très inégalitaire des droits télévisuels générés par la Champion League en particulier. L'UEFA du « Fair Play financier » dont on peine à comprendre parfois la motivation réelle, de plus en plus la mécanique égalitaire et malheureusement la réalité des résultats. L'UEFA qui observe sans trop bouger l'utilisation et la diffusion de la pratique du « Third party Ownership ».

Le joueur du foot devient un bien

Une mécanique capitalistique d'un autre temps qui fait du joueur de foot un bien dont la propriété peut être répartie entre plusieurs parties prenantes autres que son employeur, le club pour lequel il joue. Un esclavage certes doré que la France, heureusement, réprouve comme les seul Royaume Uni et la Pologne en Europe au milieu d'un océan de pratiquants de ce système qui, au delà de ce caractère humainement dégradant, permet de contourner les règles financières comme celles dudit « Fair Play Financier » cher à Michel Platini.
On ne le répètera jamais assez, le Football, comme les autres sports mondialisés et les autres produits du marché du mainstream des industries du divertissement, est placé dans une concurrence pour tout : les talents, l'argent, l'audience médiatique, les produits dérivés ...

Moderniser le foot européen

Au delà, cette compétitivité engage une partie de celle, générale, du pays de résidence de cette industrie, son attractivité aussi et plus largement encore sa capacité de performance dans la bataille intense que se livrent les pays et les blocs géopolitiques pour le leadership du smart power contemporain.
La France et son Football ne peuvent se résoudre à accepter une tiers-mondisation qui ferait d'elle une productrice de matière première footballistique que d'autres puissances valoriseraient ensuite dans leur industrie du spectacle propre. Si la France doit faire bouger les lignes de certaines de ses spécificités sociales et fiscales, messieurs les Présidents, les autorités françaises doivent aussi et surtout vous aider dans la mobilisation de l'Union européenne, de ses institutions et de certains de ses pays pour créer une dynamique de modernisation du contexte du Football professionnel européen. Avec ou contre l'UEFA. Votre survie est là.

 Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Président de j c g a
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals