Traité transatlantique : le tournant de la transparence ?

Par Hervé Guyader  |   |  744  mots
La commission européenne veut offrir plus grande transparence sur les négociations concernant le futur traité commercial transatlantique. Mais jusqu'où ira-t-elle vraiment? Par Hervé Guyader, avocat, Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

Projet de traité transatlantique et exigence démocratique font un ménage très contrarié. Nous avons déjà eu l'occasion de souligner les contradictions féroces existant entre la nécessité d'une négociation confidentielle et le besoin démocratique des citoyens européens habitués à être baignés d'informations.

Bien conscients de ce que l'attitude de la précédente commission était désastreuse, le nouveau président Juncker avait promis que sa commission prônerait l'ouverture, la transparence. C'est désormais chose faite avec l'annonce de ce que, à compter du 1er décembre, toute personne pourra consulter en ligne les documents de négociations qui circulent entre les institutions bruxelloises et les Etats membres. Faut-il y voir, également, la patte de la nouvelle Commissaire au commerce, Cécilia Malmström ?

Un accord américain qui reste nécesssaire...

La Commission européenne semble, en tout cas, donner du corps à cette exigence de transparence qui aura cependant quelques limites. Toute publication de documents qu' ils soient américains ou communs ne pourra se faire sans l'accord explicite des USA. Il ne faut pas oublier qu'outre atlantique, rien n'a été rendu public, ni les directives de négociations, ni les documents. Par ailleurs, et d'un point de vue strictement juridique, l'ensemble des négociations étant placé sous de stricts engagements de confidentialité (Non Disclosure Agreement), il est impossible de les violer sans l'accord exprès, écrit, des négociateurs.

Autre limite bien compréhensible, il sera impossible de publier ce que la pratique appelle les « documents de travail », éléments clés sur lesquels travaillent les négociateurs afin de garder une certaine sérénité et un environnement juridique de confiance essayant ainsi de ne pas perturber ou ralentir les négociations déjà bien en peine.

Imaginez que certains documents essentiels tombent dans les mains de certains militants et autres altermondialistes qui se feraient une joie de les utiliser, ou les détourner pour déverser de nouveaux torrents d'idéologie.

Le rôle renforcé des députés européens

Les modalités de cette nouvelle transparence restent cependant floues. Il est, en effet, prévu de rendre accessible à tous les Eurodéputés les documents dits restreints portant sur les points clés alors qu'auparavant, seuls quelques happy few dont le Président de la Commission du commerce international (INTA, International Trade), les coordinateurs et le rapporteur y avaient accès dans une salle sécurisée située au Parlement européen.

Ce qui fait figure de conditions d'accès exceptionnelles est, en réalité, une pratique d'une banalité confondante pour tout avocat ayant eu à traiter de dossiers brûlants, confidentiels pour lesquelles l'accès aux documents et informations est, pour d'évidentes raisons juridiques, ultra-sécurisé. L'idée consiste donc à ouvrir d'autres salles de consultation où les intéressés pourront en prendre connaissance, sous la réserve d'en conserver la confidentialité.

Le rôle des Eurodéputés s'en trouve renforcé, ce qui pourrait contrarier les relations avec la Commission dont l'on sait qu'elle veut garder la main et voit déjà d'un mauvais œil que les documents soient publiés partout ailleurs que sur son site internet.

Les limites de l'exigence démocratique

Nous retrouvons ici les limites de l'exigence démocratique que nous avons déjà pu illustrer. Bien consciente des erreurs de l'ancienne Commission, la nouvelle cherche à s'en démarquer, optant pour la transparence, mais en conservant les mêmes pudeurs pour deux raisons :

D'une part, ellle cherche à conclure les négociations transatlantiques sur un succès, ce qui suppose un processus maîtrisé. D'autre part, les relations entre Commission et Parlement européen restent nébuleuses, même pour l'observateur averti. Il ne fallait pas espérer une quelconque simplification de celles-ci à l'occasion d'un sujet de guerre économique aussi sensible que l'est celui du TTIP.

Quoi qu'il en soit, et quel que puissent être l'avis des altermondialistes qui y ont déjà vu un argument cosmétique plutôt d'une véritable révolution démocratique (qui ne pourrait aboutir raisonnablement que sur l'échec des pourparlers !), cette exigence de transparence devrait permettre un débat qui était réservé, avant, aux rares initiés.

Du débat naîtra, espérons-le, certains éveils qui permettraient à la France de sortir de sa torpeur.

Hervé Guyader

Avocat au Barreau de Paris

Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International