Austérité : le pouvoir d'achat retombé à son niveau de 2002

Par Ivan Best  |   |  696  mots
Via les hausses d'impôts, François Hollande a contribué à la baisse du pouvoir d'achat depuis 2012
De l'austérité en France? Certes, la dépense publique a continué d'augmenter depuis le début de la crise. Mais c'est le cas aussi dans la majorité des pays européens. Et, si l'on mesure l'austérité à l'aune des efforts imposés aux ménages, via des hausses d'impôts, elle ne fait plus aucun doute: entre 2008 et 2015, ils ont perdu 400 euros de pouvoir d'achat chaque année, en moyenne. D'où un retour au niveau de de vie 2002

La France a-t-elle connu l'austérité ? Pour certains économistes, ce n'est pas le cas, puisque la dépense publique a continué de progresser. Que vaut cet argument ? Si l'on compare le niveau de la dépense publique actuelle à celui prévalant avant la crise, en 2008, force est de constater qu'il a augmenté. Mais cela a été le cas, aussi, dans de nombreux pays européens. En moyenne, selon Eurostat, l'organe statistique officiel européen, les dépenses publiques, mesurées exactement, au million d'euros près,  ont crû de 9,6% entre 2008 et 2013, au sein de la zone euro. En France, la progression a été plus forte, atteignant 14,2%. Mais elle l'a été encore plus en Belgique (+22,5%). En Allemagne, la hausse a atteint 12%.

La dépense publique a diminué dans deux pays, principalement, la Grèce (-11,7%) et l'Irlande (-9,8%). Même en Espagne, en dépit de coupes pratiquées dans les crédits budgétaires, elle a légèrement progressé (+1,2%).

On peut aussi estimer que l'austérité budgétaire sévit dans un pays  quand des hausses d'impôts massives contribuent à faire baisser le pouvoir d'achat. Ce critère de l'évolution réelle des revenus, synonyme ou non d'efforts de la part de la population, permet sans doute mieux d'appréhender la réalité de l'austérité budgétaire.

Hausse du pouvoir d'achat de 2008 à 2010, chute ensuite

A cette aune, la France a vraiment connu l'austérité entre, surtout à partir de 2011. Entre 2007 et 2013, les revenus du travail ont globalement augmenté de 80 milliards d'euros, selon les comptes des ménages établis par l'Insee. Mais, dans le même temps, les prélèvements obligatoires pesant sur ces mêmes ménages se sont accrus de 60 milliards !

L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) s'est livré à des calculs plus précis, évaluant l'évolution du pouvoir d'achat par ménage. Celui-ci a progressé faiblement, mais il a progressé, sur la période 2008-2010, marquée pourtant par la crise (+114 euros annuels par ménage, en moyenne). Mais il a lourdement chuté ensuite, entre 2011 et 2013, notamment en raison de la hausse des prélèvements obligatoires, décidée par Nicolas Sarkozy puis par François Hollande : les impôts et charges ont augmenté, au total,  de 932 euros sur cette période (toujours sur une base annuelle, et par ménage).

400 euros de baisse de pouvoir d'achat chaque année

Peut-on, alors, ne pas parler d'austérité ? D'autant que cette même période, la masse des revenus du travail distribués a diminué de 680 euros (par ménage), une baisse compensée partiellement seulement par l'augmentation des prestations sociales en espèces (chômage, retraite...), à hauteur de 355 euros.

Au total, sur la période 2008-2015, le pouvoir d'achat par ménage baisserait de 1600 euros, selon l'OFCE, soit 400 euros de baisse par an. Du coup, il retomberait cette année 13 ans en arrière, à son niveau de 2002. Du jamais vu, évidemment, depuis l'établissement en France d'un système de statistiques, en 1945 !

 Impôt sur le revenu: un cinquième des ménages paie l'essentiel de la facture

Bien entendu, il ne s'agit là que de moyennes. Qui a perdu le plus sur cette période ? Bercy avait livré à la commission des Finances de l'Assemblée nationale une évaluation de la répartition de la hausse d'impôt sur le revenu sur la dernière période. Grosso modo, c'est le cinquième le plus aisé de la population qui va vu sa facture fiscale le plus augmenter : +1800 euros annuels en moyenne pour ces 20% de ménages aux revenus les plus élevés.

Pas étonnant, quand on sait que de 10% des foyers fiscaux acquittent 70% du total de l'impôt...

Le débat sur les classes moyennes resurgit alors : selon que l'on considère ou non que beaucoup de Français dits « moyens » se trouvent parmi ces 20% les plus aisés, on tirera la conclusion -ou non- d'un matraquage fiscale des classes moyennes.
Cette question, qui oppose les économistes de gauche -excluant catégoriquement les 20% les plus riches de la catégorie classes moyennes- à de nombreux experts et beaucoup de salariés-cadres, n'est pas près d'être tranchée...