Inégalités  : quand Macron repousse les limites de l'hypocrisie

Par Ivan Best  |   |  494  mots
Le ministre de l'Economie dénonce la montée des inégalités, et s'insurge contre les politiques ayant protégé "les intérêts capitalistiques". Après avoir tout fait, notamment, pour éviter que les banques françaises ne soient régulées

Sur la question des inégalités, il semblerait que le gouvernement actuel cherche à repousser les limites de l'hypocrisie. Le discours prononcé ce vendredi matin par Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, en est l'exemple frappant. Intervenant à l'occasion d'un colloque organisé à Bercy sur les inégalités, en présence de Thomas Piketty, il s'est évertué à dénoncer leur ampleur, leur montée en puissance, tout en reconnaissant l'échec à cet égard des politiques conduites depuis le début de la crise, voire les dénonçant. Une quasi auto-critique, en quelque sorte.

 La dénonciation des intérêts capitalistiques protégés

Quel est le président de la République, qui, après avoir dénoncé « la finance, son ennemie » pour se faire élire, a renoncé à réguler vraiment le système bancaire, sur le conseil, notamment, du secrétaire général adjoint de l'Elysée, Emmanuel Macron ? Lequel regrette, après coup, à mots couverts,  la suprématie de la finance : « les intérêts capitalistiques acquis par le passé ont plutôt été protégés par la crise dans la manière que nous avons eu de la traiter » déclare désormais le ministre de l'Economie.

Mieux utiliser la fiscalité au niveau européen... après avoir torpillé la taxe sur les transactions financières

Comment oser se dire « favorable » à l'utilisation de la fiscalité comme « instrument » contre les inégalités, appeler à « une réflexion, sans doute plus profonde que celle que nous avons conduite, sur la fiscalité, la mobilité du capital et la concurrence fiscale »,  notamment au niveau européen, comme le fait aujourd'hui Emmanuel Macron, après avoir cherché à torpiller la taxe européenne sur les transactions financières ? Sous couvert de déclarations  ministérielles en faveur d'une avancée rapide du dossier, le gouvernement français a tout fait pour vider cette taxe de sa substance -notamment en voulant exclure les dérivés de son assiette- avant, semble-t-il de se raviser.

Une arme fiscale considérablement émoussée

 S'agissant de la fiscalité strictement française, le gouvernement met discrètement en oeuvre des mesures en faveur des cadres mieux rémunérés. Ainsi, les gains liés à des attributions d'actions, pour lesquels aucun risque n'était couru, étaient jusqu'à maintenant assimilés à des salaires. Ils se trouvaient donc soumis à cotisations.  Le projet de loi de Macron met fin à cette pratique: ils seront taxés beaucoup moins lourdement, comme des plus-values.

Un "constat d'échec"

Dès lors, le ministre de l'Economie a beau jeu de dresser, devant l'auteur du  Capital au XXIème siècle,  un constat « d'échec » face aux inégalités, puis d'évoquer un « couvercle sur la réussite ». Comme dit Emmanuel Macron, « les intérêts capitalistiques acquis par le passé ont plutôt été protégés par le crise dans la manière que nous avons eu de la traiter »...  Protégés par qui ?