Le refus français de l'austérité sévère a-t-il été payant ?

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  584  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, Le refus de l'austérité sévère a-t-il été payant, en France?

Pour les uns la rigueur française est excessive. Elle a sapé la demande qui ne pouvait être que le seul point d'accroche d'une reprise.

Pour les autres elle est insuffisante et ne nous permet pas de ramener nos charges collectives à un niveau assurant une compétitivité satisfaisante à l'exportation. C'est le propre de toute politique qui opte pour les demi-mesures.

La France pouvait-elle vraiment faire autrement ?

A ceux qui auraient voulu que la France s'inscrive dans le mouvement de purge du Sud et mette en œuvre une politique de dévaluation interne, fiscale et salariale beaucoup plus radicale. Je leur propose simplement de s'attarder sur le simple graphique qui suit : Nos trajectoires de croissance depuis 2008.

  • D'abord celle de l'Allemagne, soit 28% du PIB de la zone euro. Dont on peut dire que la dynamique résiste aux vents contraires, pour deux raisons essentielles : une meilleure capacité à accrocher les vents porteurs extra-européens grâce à sa compétitivité, et une politique budgétaire quasi-neutre, du fait d'une bonne situation au démarrage de la crise.
  • Ensuite, la plongée en enfer du Sud. Ici, la Grèce, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, le Portugal et Chypre. Un bloc qui représente un tiers du PIB eurolandais, plus que l'Allemagne donc.
  • Regardons ensuite la trajectoire des petites économies du Nord (Finlande, Benelux, pays-Baltes, Autriche), soit 17% du PIB de la zone. Une trajectoire prise entre deux feux et n'ayant pas prise sur la dynamique globale.
  • Et regardons enfin la trajectoire de la France, 20% du PIB de la zone. Il est clair que le dosage de rigueur français a permis que le noyau dur franco-allemand (50% de la zone) se maintienne au-dessus de la ligne de flottaison, évitant une dégringolade de toute la zone.

Imaginons un seul instant que la France ait emprunté une autre trajectoire est c'est tout l'édifice de la croissance européenne qui se serait effondré comme un château de carte. La déflation ne serait pas alors une menace rampante, mais bien une réalité dont on ne parviendrait pas à s'extraire.

La stratégie française a sauvé la zone

A ceux qui pensent maintenant que la France aurait dû jouer la relance dans un seul pays. Et qu'elle a sacrifié de façon irréversible son investissement.

  • 1/ La France est un des pays d'Europe qui a le mieux préservé son investissement productif. J'ai représenté ici l'évolution de l'investissement en volume hors logement résidentiel. Contrairement à l'idée reçue, l'économie française a moins que d'autres hypothéqué sa croissance potentielle.
  • 2/ La Fonction stabilisatrice de la France au sein de la zone a eu un coût que l'on perçoit bien dans sa balance commerciale intra-zone. Le décalage a induit une dégradation de 30 milliards de sa balance intra-zone, alors que la France partait déjà d'une situation déficitaire, contrairement à l'Allemagne. Et sans la même capacité de se refaire hors zone contrairement à son voisin Rhénan. Ce décalage a permis la restauration commerciale du Sud. On voit néanmoins qu'il lui était difficile d'être la locomotive de la zone et que cette fonction était naturellement dévolue à l'Allemagne, compte tenu de ses acquis de départ.

Voilà pourquoi, même si cela ne m'enchante pas, je suis bien obligé de me faire le chantre de la demi-mesure et à reprendre à mon compte la rengaine du no alternative.

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