Bertrand Piccard en direct de la COP27 : « Cette fois-ci, je m'énerve  ! »

Par Bertrand Piccard  |   |  618  mots
(Crédits : DR)
LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP 27. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateur, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tiendra durant cette quinzaine, du 6 au 18 novembre, en direct de la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte, une chronique quotidienne des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l'avenir de notre planète.

Autant les rencontres en tête à tête avec les chefs d'État sont intéressantes quand on peut leur montrer le nombre de solutions disponibles pour atteindre les objectifs de la COP, autant leurs discours sont trop souvent creux quand ils se succèdent à la tribune de la première séance plénière officielle. Leurs mots sont des copiés-collés depuis des lustres.

Cette année n'a pas fait exception. Après les remerciements appuyés aux organisateurs et le rappel de la liste des conséquences des changements climatiques que tout le monde connaît par cœur, la même phrase arrive ensuite :

« Il faut agir maintenant ! ».

On se dit que cela peut convenir comme introduction, mais non, il s'agit de la conclusion et l'orateur retourne s'assoir sous des applaudissements polis.

Ce dont nous avons besoin pour qu'une COP soit réussie, ce n'est pas de répéter sans fin qu'il faut faire quelque chose, mais d'expliquer ce que l'on doit faire et surtout comment le faire. Sous cet angle, le Président français est l'un des seuls à avoir été explicite, avec une description approfondie d'actions concrètes. Il a parlé quatre fois plus longtemps que ses 3 minutes autorisées, mais il y avait enfin de la substance.

Le fait que ce soit l'exception et non la règle est une tragédie. Le grand panneau derrière les orateurs indiquait pourtant clairement « Together for implementation », Ensemble pour la mise en œuvre, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu.

Le monde s'est sciemment dirigé vers le précipice climatique, convaincu en quelque sorte que nous serions sauvés par notre propre ingéniosité. Mais que penser du fait que nous disposons déjà d'un grand nombre de solutions et que nous ne parvenons pas à les déployer efficacement à l'échelle et au rythme nécessaires ? C'est un constat effrayant et accablant de notre incapacité, en tant que société, à résoudre les problèmes.

Voulez-vous un exemple de ce qui se passe ? Aujourd'hui, l'AIE, l'agence internationale de l'énergie, a publié un rapport indiquant que le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'électricité va augmenter cette année pour la première fois depuis des décennies. C'est franchement incroyable ; jamais dans l'histoire nous n'avons eu autant de moyens à notre disposition pour produire de l'électricité propre et à bas prix, et pourtant nous ne sommes pas capables de les faire parvenir aux personnes qui en ont le plus besoin. La hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants est en grande partie responsable de cette statistique, en raison de la baisse du pouvoir d'achat - ce qui m'amène à me demander pourquoi il est si facile de transférer la pauvreté et la souffrance, mais si difficile d'exporter une meilleure qualité de vie.

Notre échec ne relève pas de la technologie, mais de la politique. C'est ici que nous avons besoin d'innovation, pas seulement dans les divisions R&D. Plus tôt dans la journée, un tweet que j'ai vu passer disait :

« Le résultat de la COP27 serait très différent si la participation était limitée aux personnes qui seront en vie en 2050 ».

Le monde est à bout de patience avec ses dirigeants et ils ne font pas grand-chose pour convaincre la population du contraire. Ne connaissent-ils pas cet adage ? :

« Si vous continuez à faire ce que vous avez toujours fait, vous continuerez à obtenir ce que vous avez toujours obtenu ».

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Depuis Sharm El-Sheikh, je reviendrai quotidiennement dans cette rubrique, commenter les succès et les déceptions de cette COP27, qui se doit de concrétiser le passage des promesses à l'action.