Biocarburants avancés : passer à l'industrialisation, au nom de l'enjeu environnemental

Par Didier Houssin  |   |  641  mots
Dans une tribune, Didier Houssin, Président d'IFPEN (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles), pousse, pour réussir une transition énergétique réussie en France, au lancement d'une véritable dynamique industrielle pour les biocarburants avancés pour en faire un fleuron national.

Le 27 janvier dernier, la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, présentait une feuille de route pour le développement des biocarburants aéronautiques durables dans le transport aérien français, avec un objectif d'incorporation de 5%. Il s'agit d'une cible ambitieuse pour un secteur qui est responsable de 13% de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre émanant des transports. Une telle annonce s'inscrit dans un mouvement réglementaire qui concerne de façon globale la décarbonation de nos moyens de déplacement qui représentent de l'ordre de 24% des émissions mondiales directes.

Toujours en France, la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit l'intégration de 3,8% de biocarburants avancés (issus de paille ou de déchets forestiers) dans l'essence et 2,8% dans le gazole à horizon 2028.

A l'heure du défi climatique et de l'émergence de ces nouvelles filières industrielles au plan international, il convient donc de passer de la R&D à l'industrialisation des biocarburants de deuxième génération sur le territoire français.

Une solution immédiate et pérenne

En effet, les biocarburants avancés dessinent des perspectives prometteuses pour décarboner le secteur des transports et pour diversifier notre mix énergétique.

Les biocarburants de deuxième génération présentent des avantages majeurs : ils sont immédiatement accessibles puisque produits à partir de matières premières qui n'entrent pas en concurrence avec l'alimentaire : paille, coproduits de l'industrie forestière, bagasse ou autres matières lignocellulosiques.

Ils peuvent être mélangés directement à l'essence (bioéthanol), au gazole (biogazole) ou au kérosène (jetfuel), sans modification du réseau de distribution ou du système de motorisation des véhicules. Ils offrent en outre l'avantage de renforcer notre indépendance énergétique en réduisant le recours au pétrole. Autre intérêt : ils permettent une réelle diversification de notre production agricole et sylvicole.

Du point de vue du réchauffement climatique, les études confirment que les biocarburants avancés permettent une réduction de plus de 85% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants fossiles. Sur l'ensemble de leur cycle de vie (de la production à l'utilisation finale dans les véhicules), ils affichent aujourd'hui une performance environnementale aussi bonne que celle de l'électrique.

Ce diagnostic ne doit néanmoins pas conduire à opposer différentes solutions parfaitement crédibles. Au contraire, un mix énergétique efficace s'impose aujourd'hui, avec des technologies complémentaires pour décarboner et réduire l'empreinte environnementale du transport.

Ailleurs dans le monde, les lignes bougent : en Inde, avec une douzaine de projets d'usines d'éthanol avancé, mais aussi en Europe, où avec la Directive RED II, des unités industrielles sont programmées en Roumanie, en Pologne ou encore en Croatie.

En faire un fleuron national

Et la France ? N'oublions pas qu'elle a largement contribué à faire des carburants durables une priorité inscrite dans le « Pacte vert » : elle doit donc prendre toute sa part pour le succès des objectifs européens comme, en particulier, l'incorporation de 14% d'énergie renouvelable dans les transports à l'horizon 2030 - c'est-à-dire demain - dont 3,5% de biocarburants avancés.

Pour cela, disons-le clairement : la transition énergétique implique de lancer dès à présent une véritable dynamique industrielle pour les biocarburants avancés sur notre territoire pour en faire un fleuron national. Illusoire ? Au contraire : la France compte d'ores et déjà des technologies de biocarburants de 2génération pour la production de bioéthanol, de biogazole et de jetfuel. Le moment est venu de lancer l'industrialisation et de valoriser ainsi une excellence et une capacité d'innovation reconnues à l'international. L'enjeu environnemental offre à notre pays une formidable opportunité : rendre compatibles urgence écologique et performance économique en construisant un succès « made in France ».

Didier Houssin, Président d'IFPEN