Cette monnaie unique qui plombe la croissance

Par Michel Santi  |   |  718  mots
La réduction de la dépenses publique, prônée notamment par François Fillon, ne peut que conduire à la récession Par Michel Santi, économiste*

Devrais-je le répéter à l'infini? La réduction des dépenses publiques induit mécaniquement la récession lorsque l'économie est en phase de stagnation. Dans un tel contexte, la dette publique est inévitablement condamnée à l'escalade à mesure que l'économie se contracte. Sachant que ce cercle vicieux se transforme en spirale infernale dès lors que l'Etat se sent obligé de réduire davantage ses dépenses, croyant naïvement contribuer à soulager ses endettements, alors qu'il ne fait que les accentuer. Est-il utile de rappeler l'élément aggravant constitué par une monnaie unique partagée par un ensemble de pays aux cycles économiques différents, voire divergents ? Réduisez en effet les dépenses dans l'un et vous contaminerez l'ensemble, car tant la récession que la déflation se répandent à la vitesse du choléra à la faveur de la courroie de transmission de cette monnaie.

 L'effet désastreux de la baisse de la dépense publique en Grèce

La Grèce n'a-t- elle pas réduit de 20% (par rapport à son P.I.B.) sa dépense publique depuis 2008 ? Aberration qui s'est soldée par un effondrement de plus de 30% de sa consommation intérieure et, en finalité, par une dette qui s'est envolée de 100% à 180% de son P.I.B. entre 2006 et 2015 ? Soit une augmentation de sa dette publique de près de 60% pendant qu'elle tentait désespérément de réduire sa dépense publique, précisément dans le but de juguler cette même dette ? Faut-il rappeler que la dette publique européenne - de 92% du P.I.B.- était de seulement 65% en 2008 ?

En réalité, et contrairement aux sornettes qui nous sont quotidiennement servies, cette réduction drastique des dépenses publiques n'obéit à aucun impératif économique. Elle consacre tout simplement la soumission des gouvernants au monde des créditeurs qui règnent en maîtres absolus. Dans notre conjoncture actuelle dépourvue et des menaces de défaut de paiement et de l'inflation qui sont la hantise des créanciers, ces derniers mettent les Etats au régime sec dans le seul but de s'assurer la récupération de leurs investissements.

L'austérité ne rassure pas les créanciers

L'austérité n'est donc nullement mise en place pour relancer la croissance, mais pour garantir et pour rassurer les créanciers sur la capacité de remboursement de l'Etat débiteur. Et peu importe si c'est toujours les mêmes qui passent à la caisse - à savoir la classe moyenne et les pauvres- dont on exige même qu'ils paient deux fois. Ils doivent effectivement subir d'une part l'érosion de leur revenus et assumer d'autre part le paiement des intérêts et le remboursement de cette dette publique via leurs impôts. Pendant que les créanciers -aucunement sinistrés par l'effondrement de la dépense publique- tirent sereinement les marrons du feu, quand ils ne sont pas renfloués par les deniers publics comme le furent les banques il n'y a pas si longtemps.

La rigueur en période de stagnation économique n'est donc appliquée que pour s'attirer les faveurs des créanciers dans un contexte de monnaie unique européenne où la banque centrale ne remplit pas sa mission de prêteuse en dernière instance. Imposée pour des motifs purement politiques, l'austérité se solde par un déséquilibre malsain, en une nouvelle politique favorisant outrancièrement le créditeur au détriment et aux dépens du travailleur. Comme le clamait David Cameron en 2013: « Nous devons faire plus avec moins, de manière permanente". Cette situation scandaleuse est donc appelé à perdurer, à moins de l'accession au pouvoir d'une nouvelle classe de politiques ayant la trempe de favoriser le peuple.

*Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est conseiller en investissements sur le marché de l'art et Directeur Général d'Art Trading & Finance. Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence".

Dernière parution chez « Lignes de repères » : « Plus de Capital au XXI è siècle », préfacé par Philippe Bilger.

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