L'Europe, en guerre contre ses citoyens ?

OPINION. 4 ans après la Grande Récession de 2007-2009, les Etats-Unis avaient récupéré 4 millions d'emplois. 4 après la pandémie, ils en récupèrent désormais 6, grâce aux stimuli fiscaux massifs mis en place par l'administration Biden. L'Europe, pour sa part, comme d'habitude, végète, stagne. Par Michel Santi, économiste (*)
(Crédits : JOHANNA GERON)

Attendez : à moins qu'elle ne tente de suivre les Etats-Unis qui n'avaient pu surmonter la Grande Dépression que grâce à leur machine de guerre à la faveur de leur participation au second conflit mondial ?

C'est en effet vers un keynésianisme militaire que s'achemine inéluctablement l'Europe dont les dirigeants autant nationaux que supra nationaux retrouvent subitement une âpreté que l'on ne leur connaissait plus !

Sacrifices et fin de l'insouciances

Ces bouffées de testostérone visibles autant chez les hommes que sur les femmes de pouvoirs européens les conduit même à fouler aux pieds le sacro-saint Pacte de Stabilité s'il s'agit de dédier de l'argent à s'armer. Si ce n'est qu'ils ont tout faux, car cet expansionnisme a des limites, le peuple qui, pour sa part, n'aura droit qu'à l'austérité. C'est en effet aux Européens que l'on assène désormais 24/7 l'inévitabilité des sacrifices et «la fin des insouciances»...

Les obligations d'État grecques, qui ne furent pas incluses lors de la crise des dettes souveraines dans les programmes de rachats de la Banque Centrale européenne, car considérées trop risquées, le furent néanmoins par la suite durant la pandémie. La population grecque avait été affamée quelques années plus tôt par ces mêmes dirigeants et institutions contraints de garantir leurs dettes à l'échelon européen quelques années plus tard. Un scénario similaire se déroule aujourd'hui, car il nous est doctement expliqué que la rigueur est incontournable, sauf pour les dépenses militaires, sans que l'on nous explique cette mystérieuse dichotomie entre les besoins de la société et cet engouement pour une guerre dont nul ne veut.

Composer avec les contraintes budgétaires

À moins que l'austérité ne soit, en réalité, cette chape de plomb prétendument rationnelle, pseudo-scientifique, qui doit tout naturellement s'imposer à certains secteurs de l'économie, mais pas à d'autres. Les lois de l'économie et la main invisible exigeraient donc la discipline pour les dépenses sociales, mais pas militaires ? L'orthodoxie européenne ramène donc le keynésianisme à une sorte de collectivisme, de tare intellectuelle, dès lors qu'il bénéficie au plus grand nombre.

C'est comme si les pouvoirs en place en Europe avaient fait leur et appliquaient à la lettre la répartie d'Aldous Huxley selon laquelle « 62.400 répétitions font une vérité », tant il est vrai que l'austérité ravage l'école, l'hôpital, la recherche, l'environnement, la société civile forcés de composer avec les contraintes budgétaires... mais pas la guerre. Nulle règle ne s'applique, le Pacte doit être suspendu dans les limbes, dès lors qu'il s'agit de dépenser pour notre armement et pour celui de nos alliés.

« Quels idiots », concluait Huxley à la fin de sa phrase.

______

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 8
à écrit le 10/04/2024 à 10:04
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Pour sûr, le paradigme européiste est plutôt malthusien, d'où des distorsions avec la démographie française et le laxisme budgétaire pour épargner un scénario à la tunisienne, où la démographie galopante avait fait du meilleur système éducatif du con...

à écrit le 08/04/2024 à 10:51
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Le taux de pauvreté est deux fois plus élevé outre-Atlantique qu'en Europe Ouest (OCDE), et les inégalités sont franchement plus élevées chez le partenaire anglo-saxon (OCDE). 44% des emplois américains sont des bas salaires (Brookings Institution, n...

le 08/04/2024 à 21:29
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Autant de défauts énumérés par Joseph Stiglitz dans son livre "le triomphe de la cupidité". Les américains ont leurs problèmes , les européens ont les leurs. Le paradis n'existe nulle part sur Terre.

à écrit le 08/04/2024 à 10:45
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Bravo pour cet article, je n'aurait pas mieux dit

à écrit le 08/04/2024 à 9:20
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Unifier, dans une coalition, le continent européen passe par une uniformisation par le bas et..., remonter la pente passe visiblement par le conflit ! C'est le choix de la concurrence au lieu de la coopération !

le 08/04/2024 à 10:03
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"C'est le choix de la concurrence" Ils font en effe tse concurrencer les peuples entre eux mais l'entente oligarchique européenne est ancienne, au moins depuis la Commune de Paris et cette entente entre Adolphe Thiers et l’armée prussienne pour arrêt...

à écrit le 08/04/2024 à 9:04
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Nous avons reposé l'union européenne sur l'allemagne or l'allemagne était déjà un échec de réunifications récentes reposant sur des chimères. Madame Van Layen qui trône là alors que le Wall Street Journal lui demande de publier ses sms avec Pfyzer ex...

le 08/04/2024 à 11:39
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Non c'est le NYT qui demande à madame Van Layen de publier ses sms qu'elle ne publie toujours pas continuant de signer allègrement des contrats en notre nom.

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