CSG ou TVA, quel impôt pour protéger la compétitivité ?

Par Radu Vranceanu, Professeur d'économie à l'ESSEC  |   |  831  mots
Si le Président Macron est entouré d'économistes très respectables, il ne semble pas tirer pleinement profit de cette situation, car, en privilégiant la hausse de la CSG à celle de la TVA, il est sur le point de commettre une erreur de politique économique.

La lutte contre le chômage requiert au moins deux conditions complémentaires : une demande soutenue, et un coût du travail par unité produite raisonnable qui permettrait d'assurer la compétitivité-prix des biens français échangeables à l'international. La première condition devrait être remplie en 2017, avec une embellie généralisée de l'économie mondiale, et notamment de l'économie européenne. La dernière prévision de croissance de l'INSEE pour la France en 2017, à 1,6%, reflète cet optimisme général.
Mais il suffit de comparer la balance commerciale de la France - déficitaire depuis 2005, et celle de l'Allemagne - dont l'excédent en 2016 a dépassé celui de la Chine, pour comprendre que les entreprises françaises ont un grave problème de compétitivité.

La faiblesse de l'investissement en France pendant des années peut expliquer, au moins en partie, la stagnation de la productivité.  Mais le point faible principal de l'économie française se trouve ailleurs. Il consiste en un coût horaire du travail trop élevé, ce qui se traduit par des marges de profit écornées et des prix supérieurs aux concurrents pour des produits de qualité équivalente. Ce coût horaire du travail a deux composantes : les salaires et les contributions sociales-employeur qui alourdissent la charge des salaires.

Un rapport de l'Eurostat (avril 2017) fait mention d'un coût horaire de 35,6 euros en France en 2016, comparé à 33 euros en Allemagne. La France demeure toutefois la « championne des contributions patronales » : à 33,2% du coût total, elle occupe la première place en Europe ; les mêmes charges représentent 22,4% du coût en Allemagne.

Pour aider les entreprises à rétablir leur compétitivité et stimuler l'emploi, le CICE avait été instauré en 2013 sous la présidence de François Hollande. Cette mesure consiste en des réductions d'impôts sur le profit des entreprises à hauteur de 6% de la masse salariale (en comptant les salaires jusqu'à 2,5 fois le SMIC). Ces réductions d'impôt approchent les 20 milliards d'euros par an. Emmanuel Macron a maintenu la promesse d'augmenter la réduction d'impôt sur les profits, pour atteindre 7% de la masse salariale en 2017. Il reste que le bilan de cette mesure est très mitigé. Plutôt que de véritablement stimuler l'emploi et l'investissement, elle a incité les entreprises à maintenir des salaires élevés, et à payer des dividendes importants.

Une des deux mesures phare annoncées en matière de fiscalité est la suppression des contributions salariales chômage et santé, qui représentent 3,15% du salaire brut. Le Président indique que cette réduction de cotisations sera accompagnée d'un accroissement de 1,7% de la CSG, qui, elle, s'applique à tous les revenus, y compris ceux du travail. Ainsi les employés devraient obtenir une réduction d'environ 1.5% des contributions salariales, avec des différences selon les seuils de salaire légaux.

Dans un premier temps, cette réduction devrait augmenter leur revenu disponible et stimuler leur consommation. Elle devrait en revanche freiner la consommation d'autres catégories sociales, notamment les retraités, qui subiront la hausse de la CSG. En admettant que le solde net sur la consommation soit positif, le déficit commercial devrait se dégrader, en raison d'une hausse concomitante des importations. Si sur un marché du travail très flexible la réduction des prélèvements sociaux sur les salaires devraient progressivement entrainer une baisse du coût du travail, il est fort probable que nos syndicats pourront ralentir sinon bloquer ce transfert en faveur des entreprises.

Une autre mesure, envisagée un temps sous la présidence de Nicolas Sarkozy et abandonnée pour des raisons obscures par François Hollande au début de son mandat, aurait contribué plus efficacement à lutter à la fois contre le chômage et contre le déficit commercial. Elle aurait pu se substituer au CICE et aux réductions de charges patronales accordées dans le cadre du Pacte de Responsabilité. La mesure comportait deux composantes. La première, une réduction massive des charges patronales -- portant essentiellement sur les bas salaires, aurait directement réduit le coût du travail et incité les entreprises à employer plus de main d'œuvre française. Le prix hors-taxes des produits français aurait diminué, ce qui aurait joué en faveur de l'exportation. Seconde composante, afin de financer la baisse des charges patronales, une hausse de la TVA, ne discriminant pas entre biens produits en France et à l'étranger, aurait pu être envisagée. Ce type de mesure aurait par exemple le même effet sur nos importations provenant de Chine qu'un renchérissement de la main d'œuvre chinoise. Contrairement à la TVA, la hausse de la CSG finira par augmenter le coût du travail français et par pénaliser nos exportations.

Puisque le Président Macron semble ouvert aux échanges d'idées avec la droite, ne pourrait-il pas prendre conseil auprès de Nicolas Sarkozy ou de François Fillon ?