Emmanuel Macron a raison : il faut vite retrouver la chemin de la Russie

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  837  mots
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : DR)
OPINION. L'enjeu Russe est au cœur de plusieurs courses contre la montre qui s'entremêlent à la sortie de cet été 2019. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.

Pêle-mêle, un cessez-le-feu durable et la paix définitive en Ukraine, la stabilité préservée du continent européen, l'arrêt ou au moins l'allégement des sanctions qui affaiblissent les économies russes et européennes, la position interne de Donald Trump face aux faucons républicains et l'accusation en soumission à Vladimir Poutine des démocrates, le renouvellement de l'accord nucléaire avec l'Iran... mais aussi, à plus long terme, l'arrimage intelligent de la Russie au bloc européen. Nous sommes au croisement de chemins géopolitiques décisifs.

Refonder l'Europe avec la Russie ?

La France et l'Europe sont directement concernées, on pourrait dire menacés même, par la plupart de ces enjeux sensibles. Emmanuel Macron l'a bien compris. Président diplomate opportuniste, on l'a vu à l'œuvre tout au long de l'été, Emmanuel Macron a non seulement eu raison de recevoir Vladimir Poutine à Brégançon, mais plus encore de relancer la politique russe de la France et potentiellement de l'Europe durant son discours annuel aux ambassadeurs, le 27 août.

« L'Europe disparaîtra » si elle échoue à refonder sa stratégie notamment russe, et il enchaîna en affirmant qu' « on ne peut pas refonder l'Europe sans retisser un lien avec la Russie, sans quoi la Russie se rapprochera d'autres puissances ».

« Certains de nos alliés nous pousseront toujours vers plus de sanctions, mais ce n'est pas notre intérêt. Nous devons construire une architecture de confiance en Europe »

La décision récente du Conseil de l'Europe de réintégrer la Russie va dans ce sens historique. Certes très froidement « réaliste », elle n'est pas une capitulation encore moins une soumission à Vladimir Poutine.

Si elle a rangé son rêve Gorbatchevien de se remarier avec l'Europe dans une maison commune, nous devrions tout faire pour éviter que la Russie, véritable « Empire du Milieu », pont historique entre Europe et Asie, ne prenne le risque d'abandonner définitivement sa place historique de soeur culturelle, de voisine naturelle de l'Europe.

Depuis 2014, Poutine ne cesse de s'éloigner de l'Europe et de l'Ouest

Dans un premier temps, le plus vite, il faut tout tenter pour établir un cessez-le-feu durable en Ukraine et permettre par conséquence l'arrêt des sanctions. L'arrivée au pouvoir en Ukraine de Volodymyr Zelensky et sa récente victoire parlementaire à la Rada, créent les conditions d'une désescalade. Voire même d'un règlement du conflit même s'il est certain que Vladimir Poutine ne rendra jamais la Crimée.

Il faut le faire avant que la réponse géopolitique de Vladimir Poutine ne s'éloigne encore de la volonté politique d'une partie de la jeunesse, de la population russe de se tourner vers la communauté d'histoire, de drames et de victoires, mais surtout de destin qui la relie si naturellement à l'Europe et aux Européens.

Et depuis 2014 Vladimir Poutine ne cesse de s'éloigner de l'Europe et de l'Ouest et de se rapprocher de l'Orient et de la Chine.

La Russie ne s'est jamais vraiment sentie tranquille avec son voisin chinois

Rappelons-nous de son discours au club de Valdai, le 24 octobre 2014 à Sochi sur «L'ordre mondial : de nouvelles règles ou un jeu sans règles ?» :

« Je tiens à souligner que nous ne sommes pas à l'origine de tout cela. Une fois de plus, nous glissons vers des temps où, au lieu de l'équilibre des intérêts et des garanties mutuelles, ce sera la peur et l'équilibre de la destruction mutuelle qui empêcheront les nations de se livrer à un conflit direct. »

Toujours dans ce discours, Vladimir Poutine avait précisé la menace :

« La Russie a fait son choix... Nous travaillons activement avec nos collègues de l'Union économique eurasienne, de l'Organisation de coopération de Shanghai, du BRICS et avec d'autres partenaires. »

Ce mouvement n'a fait que s'amplifier depuis lors. Point de non-retour atteint ?

Je ne le crois pas. Malgré une proximité récente inédite et de plus en plus intégrée, la Russie tsariste, soviétique et contemporaine ne s'est jamais vraiment sentie tout à fait en tranquillité son voisin chinois.

Il s'agit de recréer de la confiance durable entre l'Europe et la Russie

Nous n'avons pas de choix, sans abandonner notre vigilance diplomatique, nos ripostes face aux attaques en déstabilisation faites à l'Union par la Russie, nos exigences face aux enjeux des libertés publiques... il s'agit de recréer de la confiance durable entre l'Europe et la Russie dans un contexte géopolitique complexe fait de vérités faibles et de menaces fortes.

Il s'agit là d'une réelle opportunité pour la France, avec Emmanuel Macron en "Captain Europa" diplomate, de démontrer son leadership européen et la légitimité de sa vision diplomatique. Il faut aller vite et fort monsieur le Président.

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Par Jean-Christophe Gallien

Politologue et communicant
Enseignant à l'Université de Paris la Sorbonne
Président de j c g a et Directeur de Zenon7 Public Affairs
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals