Emmanuel Macron est un raider politique

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  693  mots
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : Reuters)
OPINION. Emmanuel Macron a inventé une forme politique, en lien direct avec ses précédentes activités de financier, et pourtant bien différente de la marque business de Donald Trump. Quatre enjeux majeurs structurent la matrice de l'approche disruptive et rapide du président français. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.

Emmanuel Macron est un raider politique. Il est pleinement de son temps. Outre-Atlantique, Donald Trump est davantage une marque business devenue médiatique se déployant désormais sur les marchés politiques et géopolitiques. Emmanuel Macron a inventé une autre forme, en lien direct avec ses précédentes activités de financier.

Son marché politique actuel est celui des élus

Soulignons que pour cette saison, son marché politique prioritaire n'est en rien celui du citoyen électeur, encore moins celui des Français qui se sont éloignés du jeu électoral. Son marché politique actuel est celui des élus. Et, avant tout, celui des élus municipaux. C'est sur ce terrain que depuis la crise des « Gilets Jaunes », il a activé une stratégie très agressive basée sur une série de raids ou d'« OPAs » plus ou moins amicales et parfois hostiles pour développer son audience politique et électorale.

L'enracinement territorial de la Macronnie

Quatre enjeux majeurs structurent la matrice de cette approche disruptive et rapide. Le premier c'est celui de l'enracinement territorial de la Macronnie et de son mouvement La République En Marche sur l'ensemble des géographies politiques de notre pays. Le deuxième, c'est de ramener des trophées municipaux depuis les capitales ou métropoles régionales : Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux ... des performances qui vont contribuer à enrichir une dynamique de victoire politique au delà de l'enjeu de l'enracinement.

Paris, l'élection totem

Le troisième enjeu c'est celui de Paris. L'élection totem de ce tour municipal. Et c'est presque un enjeu personnel pour le Président qui semble vouloir à tout prix faire tomber Anne Hidalgo. Gagner Paris alors que les 2 premiers enjeux ne seraient pas complétés et la Macronnie pourrait crier victoire. Ca n'est pas essentiel mais c'est important. Et l'on sent bien que le Président, qui ne croit plus aux chances des candidats natifs de la République en Marche Benjamin Griveaux ou Cédric Villani, pousse pour que son Premier Ministre s'empare du défi dans une alliance nécessaire avec la droite parisienne.

Prendre le Sénat

Le quatrième enjeu est celui du véritable troisième tour municipal, celui du renouvellement du Sénat qui devient un objectif central du développement politique de la Macronnie. On sent bien que la conquête rapide est possible tant Gérard Larcher se démène pour tenter de sauver ce qui reste de sa majorité. Il fait face à une véritable guérilla politique basée sur une approche stratégique et technique d'un nouveau genre, orchestrés depuis le binôme Elysée Matignon !

Le tout piloté par Édouard Philippe devenu le grand agent recruteur du Président.

Comme les raiders de la finance, on attaque fort et vite là où le terrain politique est fragilisé pour les sortants et les oppositions classiques. C'est l'exemple de Bordeaux. On investit des candidats et on fabrique des listes, parfois on négociera des alliances comme on s'associe entre start ups et marques déjà installées.

Qui résistera aux raids présidentiels ?

Ailleurs, on conduit une forme de croissance externe sur les bords droit et gauche de l'espace politique de la Macronnie. Cette fois, comme dans un mercato politique et électoral qui ne cesse de faire bouger les lignes, il s'agit de recruter élus sortants ou favoris pour qu'ils jouent sous les couleurs de La République en Marche en optant pour la marque présidentielle avant même le premier tour. Soit, et ce sera plus largement le cas, il s'agit de préparer et de fixer le ralliement post électoral dans un troisième tour municipal qui va voir des candidats, sans attache politique déclarée pour la campagne, une fois élus, choisir une marque politique de rattachement. Evidemment celle du Président. Emmanuel Macron invente et bouscule encore l'espace politique français. Il ne laisse aucun répit à ses concurrents. Qui résistera aux raids présidentiels ?

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Par Jean-Christophe Gallien
Politologue et communicant
Président de j c g a
Enseignant à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals