Emmanuel Macron, un seul objectif : 2022 !

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  961  mots
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : Reuters)
OPINION. La saison 2 de la série Macron sera donc celle de la campagne permanente. Le président a posé un acte fondateur confiant dans son action, dans l'adhésion de ses électeurs et des Français. Il prépare avec minutie le cadre politique, économique et social d'un affrontement électoral présidentiel et législatif dans un ajustement permanent aux événements français, européens et internationaux. En réalité, il ne lâche rien. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.

Qu'est-ce qu'il parlait vite ce jeudi soir, Emmanuel Macron. Très vite. Comme une volonté d'emporter les Français dans un nouveau voyage ? Une nouvelle espérance ? Les convaincre de sa détermination, de sa capacité à trouver les solutions ? De durer aussi ? Et surtout de poursuivre après 2022 ?... La forme statique, assise et au bureau, faisait très "ancien monde", et en rupture avec ses choix dynamiques des réunions du Grand débat.

Aggiornamento personnel et gouvernemental

Pourtant, l'objectif central d'Emmanuel Macron, c'était bien de tenter de prolonger les effets positifs de cette démarche de campagne pré-électorale qui lui a permis de se sauver de l'impasse politique de la fin décembre 2018. Faire durer le momentum et tenter d'initier un nouvel acte, l'acte fondateur d'une nouvelle saison de la série présidentielle Macron.

Après un diagnostic des derniers mois et de la situation du pays plutôt ramassé mais assez complet, comme prévu, Emmanuel Macron a présenté un aggiornamento personnel et gouvernemental tout en réaffirmant l'autorité d'un président. Retour à la 5e République : le président fixe le cap, le gouvernement proposera, à partir de lundi prochain, des éléments de mise en œuvre concrète en lien étroit avec les corps intermédiaires, en particulier les élus et les partenaires sociaux.

Notre propos ici n'est pas de détailler de multiples allées et venues très catégorielles et pré-électorales entre grandes orientations et mesures venues du bloc de droite de son gouvernement et base native de gauche de La République en Marche. Sans grande lisibilité économique, il est vrai que les caisses du pays ne sont que très peu disponibles... Emmanuel Macron a tenté d'exprimer une vraie direction qui pousse un projet mobilisant de très nombreux acteurs de l'espace public de notre pays. Au cœur de son projet national et européen, il veut replacer l'humain et les territoires.

Un acte de campagne

Maintenant, très au-delà de ce projet multiple et des mesures à venir, Emmanuel Macron a surtout fait de ce moment médiatique un acte de campagne. Maître des temps politiques, il a projeté, à ses supporters et ses adversaires, l'agenda, non seulement des prochains mois, mais des trois prochaines années du quinquennat.

Face à la faiblesse de sa tête de liste et de l'ensemble de sa liste LREM, face au début d'évasion des électeurs vers la liste LR, il a pénétré l'arène de la campagne des Européennes en poussant fort sur le bord droit de son électorat, en s'affirmant comme défenseur ferme d'une Europe qui protège, y compris à partir de ses frontières. Les municipales de 2020 sont aussi dans la ligne de mire avec ce virage à 180 degrés et une relation ré-enchantée aux maires, quasi inclusive. Il entame ce grand défi d'installation du macronisme dans les territoires. Un enracinement qui débute dès aujourd'hui dans une vaste opération de séduction et de recrutement d'alliés décisifs pour la suite électorale de son mandat.

Président impopulaire assumé d'une France en tranchées

Mais l'information forte, c'est surtout la confirmation que, malgré le tsunami jaune, malgré l'affaire Benalla, malgré le reflux de l'opinion... il est candidat à sa succession en 2022 et compte bien gagner à nouveau. Alors, oui, il ne convainc ce matin qu'un gros tiers des Français; mais, très au-delà du contenu, le président a livré des éléments clairs quant à sa détermination politique et électorale personnelle. Emmanuel Macron est le président impopulaire assumé d'une France en tranchées. Il savait que le faible capital politique créé par la victoire de 2017 ne pouvait nourrir l'espoir d'une conversation durablement confiante avec le peuple français. Il a confirmé hier ne pas s'en émouvoir.

Il gère son quinquennat en pivotant sans cesse

Comme s'il digérait, dans sa stratégie politique personnelle, les géographies et les temporalités réelles de ces différentes poussées contestatrices. Stratège et narrateur du flou du « en même temps » qui sait où il va, en vrai patron de sa startup politique, il gère un quinquennat, le sien, en pivotant sans cesse, sur sa base électorale, ses alliés, son projet...

Exemple concret avec les corps intermédiaires, élus, médias, syndicats...-, des cibles autrefois délaissées voire condamnées au dégagisme d'une présidence live et qui deviennent désormais prioritaires, et dont il veut regagner la confiance. Maintenant qu'il a besoin d'alliés.

La saison 2 de la série Macron sera donc celle de la campagne permanente. Il n'y aura pas de réponse institutionnelle type dissolution, référendum, encore moins démission et de nouvelle élection, comme le proposent certains. Il a posé un acte fondateur confiant dans son action, dans l'adhésion de ses électeurs et des Français. Il fait le pari de la poursuite de l'efficacité de « l'en même temps macronien » sur une base électorale posée au centre droit, s'élargissant sur les deux bords droit et gauche.

Il prépare avec minutie le cadre politique, économique et social d'un affrontement électoral présidentiel et législatif dans un ajustement permanent aux événements français, européens et internationaux. En réalité, il ne lâche rien, conforté par la faible attractivité de ses opposants réunis sur LCI cette semaine, qui, même en cas de retour de tempête jaunes, lui ouvre des perspectives réjouissantes. Emmanuel Macron a un seul objectif : 2022 !

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Par Jean-Christophe Gallien
Politologue et communicant
Président de j c g a
Enseignant à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals