Faux suspense : pourquoi Paris organisera les Jeux en 2024

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  628  mots
Le CIO et son président ne veulent perdre ni Paris ni Los Angeles, places fortes restantes de l'Europe et de l'Amérique du Nord face à une Asie devenue le nouveau continent olympique. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.

Nous pouvons vous l'annoncer. Que vous le vouliez ou non, Paris organisera les Jeux Olympiques d'été en 2024 ! Le président allemand du CIO, Thomas Bach, se reprochait fin 2016 : « Nous produisons trop de perdants. » Il peut être rassuré, il recrute désormais de moins en moins de candidats. Après 2015 et la finale entre Pékin et Almaty pour l'obtention de l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver 2022, il ne reste à nouveau que deux candidats, Paris et Los Angeles, pour oser s'attaquer à l'organisation des Jeux Olympiques et paralympiques d'été de 2024. Budapest, Hambourg, Boston et Rome... tous ont déserté la scène. C'est une première depuis l'opposition Séoul-Nagoya pour l'organisation des Jeux d'été de 1988. On peut les comprendre. Presqu'un an après la clôture des JO de Rio de Janeiro, le spectacle terrible d'infrastructures abandonnées, quasiment en ruine, rappelle le triste atterrissage post-olympique d'Athènes 2004.

Incendie

Thomas Bach, lucide, ajoutait récemment : « Sans l'Agenda 2020 (pour des Jeux moins chers), nous n'aurions eu aucun candidat pour les JO 2024. »

L'incendie est tel que le CIO craint pour l'organisation de l'édition de 2028. Même si l'on murmure que des comités nationaux de pays tels que l'Espagne, l'Australie, l'Azerbaïdjan, le Qatar voire la Russie auraient manifesté leur intérêt, le CIO et son président ne veulent perdre ni Paris ni Los Angeles, places fortes restantes de l'Europe et de l'Amérique du Nord face à une Asie devenue le nouveau continent olympique. JO d'hiver 2018 à PyeongChang, Jeux d'été 2020 à Tokyo et d'hiver 2022 à Pékin... avant d'autres attributions ?

Le CIO en crise témoigne et compose à la fois avec la cartographie des nouveaux déséquilibres géopolitiques dans une mondialisation qui fait la part belle aux superpuissances que sont la Chine, la Russie et les Etats-Unis et à de nouveaux entrants richement dotés et à la diplomatie d'attractivité très ambitieuse.

Gâteau

Il fait face aussi aux ambitions des autres organisations internationales du sport global qui multiplient les projets pour s'approprier une part plus importante du gâteau commun du financement public ou privé. Ainsi la FIFA et son très actif Président Giani Infantino qui, surfant sur l'émergence de nouvelles ligues professionnelles puissantes notamment en Chine et aux Etats-Unis, voudrait créer dès juin 2019 un nouveau Mondial des Clubs à 16 ou 32 équipes. Une sorte de super Champions League mondiale générant encore plus d'audience et de revenus pour elle et ses partenaires.

Le CIO craint donc à la fois pour son indépendance et son business model. C'est pourtant en regardant du côté de la FIFA, son adversaire majeur, qui désigna ensemble la Russie et le Qatar organisateurs des Coupes du monde 2018 et 2022 qu'il a identifié et développé une solution de survie. Le CIO a fait depuis progressivement avancer le concept d'une co-attribution, le 13 septembre prochain à Lima, des JO 2024 et 2028.

Arrangement

Evidemment, officiellement, il n'y a pas déjà de décision d'ordre d'attribution mais Emmanuel Macron, qui sera à Lausanne avec l'équipe parisienne, le sait : le suspense d'une désignation de Paris pour 2024 faiblit chaque jour.

Le deal trois fois gagnant pour ce CIO en crise serait que Paris organise les compétitions un siècle exactement après ses derniers JO en 2024. Los Angeles, moyennant « dédommagement » financier du CIO, « gagnerait » ceux de 2028. Un « arrangement » décrit comme quasiment bouclé par le Wall Street Journal dans un article publié le 30 mai dernier. Le symbolique et le politique pour Paris et le business deal pour Los Angeles, ça ressemble à la vérité olympique.

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Par Jean Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals