Inflation tirée par les salaires ou par les marges  ? Si le symptôme est différent, la réponse restera la même

Par Clémentine Gallès  |   |  542  mots
(Crédits : DR)
OPINION. La flambée de l'inflation a fait craindre la réapparition de boucles prix-salaires équivalentes à celles des années 70-80. A ce jour, il semblerait que c'est finalement plutôt par les marges que les tensions sur les prix se propagent dans les économies de la Zone euro. Dans un cas comme dans l'autre, la réduction des tensions sur les prix passera par une réduction des tensions de la demande relativement à l'offre disponible. La BCE continuera d'y répondre par la poursuite du resserrement de sa politique monétaire. Par Clémentine Gallès, Cheffe Économiste et Stratégiste de Société Générale Private Banking

D'une inflation externe à une inflation interne

L'inflation en Zone euro s'explique au départ par une succession de chocs externes (Covid, Guerre en Ukraine) ayant pesé sur les prix des importations (prix des biens, prix de l'énergie et prix des produits agricoles).

Dans un contexte de reprise post-Covid très forte, ces chocs ont trouvé « prise » sur une demande robuste et se sont peu à peu diffusés à l'ensemble des prix des biens et services de la Zone. L'inflation est ainsi devenue interne aux économies, ce qui a décidé la Banque Centrale Européenne à resserrer sa politique monétaire afin notamment de modérer la demande.

Des effets de second tour qui passent principalement par les marges

Après sa diffusion à l'économie, la crainte est aujourd'hui que l'inflation se propage durablement. L'inflation représente un coût négatif que les différents types d'agents économiques tentent d'éviter, et ces stratégies d'évitement peuvent avoir pour conséquence des effets de second tour rendant plus durable la hausse de l'inflation.

D'un côté les travailleurs veulent minimiser le coût d'une inflation plus élevée en ajustant leurs revendications salariales, afin de récupérer côté salaires ce qu'ils perdent du fait des hausses de prix, générant un risque de boucle prix-salaires.

De l'autre côté, les entreprises tentent de minimiser leur part de la charge en augmentant leurs prix afin de protéger leurs marges bénéficiaires, générant un risque de boucle prix-marges.

Aujourd'hui, et contrairement à la situation des années 70-80, les salaires ne sont quasiment plus mécaniquement indexés à l'inflation et l'on peut constater qu'à ce jour l'ajustement des salaires restent très contenu au total de la Zone euro. En revanche, les marges des entreprises progressent nettement et contribuent à expliquer l'inflation toujours élevée et représente un risque réel que l'inflation reste durablement forte.

Un besoin de réduire la demande par rapport à l'offre qui passera dans tous les cas par un resserrement monétaire

L'inflation continue ainsi de se propager en Zone euro. Cela représente un coût pour les économies, l'inflation pesant fortement sur le pouvoir d'achat des ménages. En cela, la situation est différente de celle des années 70-80, période durant laquelle ce sont les entreprises qui avaient été pénalisées fortement. Ainsi le symptôme est bien différent.

Pour autant, même si le mécanisme de propagation est différent, le principal remède à court terme pour y faire face restera le même : modérer la demande afin que les entreprises aient plus de difficultés à passer la hausse de leur prix de vente. La Banque Centrale Européenne sera ainsi incitée à poursuivre le resserrement de sa politique monétaire en continuant d'augmenter ses taux d'intérêt. Ces hausses de taux freinent en effet la demande en rendant plus coûteux l'accès à l'emprunt tout en favorisant l'épargne qui devient mieux rémunérée.

A moyen terme, en cas de persistance d'une boucle prix-marge, il est probable que les autorités décident d'une fiscalité plus importante sur les profits ou renforcent les règles de la concurrence.