Campagne de Brousse : l'emmerdant, c'est le virus, l'emmerdant...

Par Jean Brousse  |   |  598  mots
(Crédits : Jean Brousse LT)
CHRONIQUE. Ingénieur, éditeur, observateur attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidiennes du confinement. En cette année présidentielle, il tient dans La Tribune une revue de la crise politique et sanitaire, intitulée comme il se doit Campagne de... Brousse.

Janvier apporte chaque année son lot de vœux, de pronostics, de prévisions et d'horoscopes, dont la presse fait son miel. « Le Monde qui vient », titre Challenge ! On verra bien, mais 2022 démarre en France sur les chapeaux de roue, tant sur le plan sanitaire que politique.

Le Président toujours au travail, et prêt à nous servir jusqu'au bout, nous présentait lui-même, exercice liturgique s'il en est, ses vœux, des vœux prudents, mais volontaires et presque optimistes le 31 décembre dernier. Son seul objectif : protéger la France, « plus forte que jamais », protéger ainsi la démocratie, préserver avant tout l'activité et l'école, encourager les signes de reprise et soutenir la jeunesse. Normal, pas de quoi soulever les foules, mais nous aurons malgré tout pu réveillonner, sagement et évidemment sous la haute protection des autorités sanitaires.

Et puis la France devenait « Présidente de l'Europe ». Patatras, pour souligner cette date presque historique et chère à Emmanuel Macron, rien de moins que de substituer le drapeau étoilé bleu à l'étendard tricolore sous l'Arc de Triomphe. En fallait-il plus pour réveiller les adversaires et les candidats privés par le virus des feux de la campagne : ils ont vu rouge, d'autant qu'ils n'ont pas manqué de remarquer l'apparition de quelques rubans et rosettes rouges à certaines boutonnières prétendues indignes. Bien sûr qu'on aurait pu, ou dû, faire cohabiter les deux oriflammes, comme aux frontons de nos mairies. Bien sûr qu'on aurait pu éviter d'agiter la muleta devant les détracteurs assoupis. Mais la petite chicaya politicienne pour inaugurer l'an III de la pandémie, même si son spectre multicolore peut faire oublier l'absence des traditionnels feux d'artifices, est-elle à la hauteur des enjeux de 2022 ?

Que faut-il comprendre de la pente vertigineuse de la courbe des contaminations au variant Omicron, de l'état du Delta, de la réalité de l'engorgement des services de réanimation, de l'efficacité de la vaccination des plus jeunes, de la clarté des mesures suggérées, de la déprogrammation des interventions, des délais d'incubation et d'isolement - selon l'état vaccinal, que l'on soit cas contact ou positif, et que l'on recoure à un test antigénique ou PCR à J+2 et J+4, etc. - ? De longues files d'attente réapparaissent dans des rues vidées par le télétravail redevenu obligatoire. Des passes d'armes tacticiennes retardent l'approbation par le Parlement du « Pass vaccinal », quand la majorité des députés y est pourtant favorable. En toute responsabilité.

Dans un long entretien avec les lecteurs du Parisien, le Président reparle de l'Europe, de la laïcité et du pouvoir d'achat, et revient sur la nécessité absolue de la vaccination, seul rempart semble-t-il contre les formes graves de la maladie, dans des termes que le valeureux général Cambronne n'aurait pas désavoués. « Petite phrase, grosse polémique » titre le lendemain le Parisien. « Un Président ne devrait pas dire ça ». Macron reste finalement toujours Macron, ré-embrayent ses concurrents, qui ont pourtant tous un jour ou l'autre, repris à leur compte la petite phrase de Georges Pompidou : « Arrêtez d'emmerder les Français ! ». L'emmerdant, c'est pourtant bien le virus, comme a dit un humoriste.

Souhaitons qu'on nous propose une vraie campagne, et non des échanges tweeterisés de diatribes usées, non plus qu'un agaçant ping-pong d'invectives télévisé ! Des projets, des programmes et des idées plus que des slogans et des mots.

Bonne année, et surtout la santé... Vaccinons-nous, vaccinez-vous.