La chute mortifère de Nicolas Sarkozy cache celle annoncée d'Alain Juppé

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  618  mots
La chute probable d'Alain Juppé va modifier en profondeur les contours des élections présidentielle et législatives. Par Jean-Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, Président de j c g a

En ce dimanche de primaire, comme à chaque élection, le sang politique a coulé. Mais cette fois nous avons assisté en direct, un peu incrédules, à une mort politique et à une chute presque létale, largement inattendues.

La sortie médiatique de Nicolas Sarkozy fut simple et digne mais la violence terrible de cet échec enterre, à coup sur, sa vie politique. Il n'aura pas su vaincre la volonté revendiquée, presque militante, de nombreux citoyens français, venus de tous les bords politiques, des gauches, du centre mais aussi des droites, de profiter de cette élection inédite pour en finir définitivement avec lui. Le battu de 2012 n'aura pas su, non plus, construire la crédibilité du positionnement de celui qui fait gagner sa famille, celui qu'on aime pas ou plus mais qu'on rejoint dans la seule logique du vote utile, celui de la victoire finale.

Bientôt, la sortie d'Alain Juppé

Pire encore pour Nicolas Sarkozy, les réels succès tactiques d'une stratégies narrative pourtant globalement brouillonne ont profité à celui qui gagne, et de loin, le premier tour : l'outsider affranchi François Fillon. Ciblant uniquement son prétendu principal rival statutaire et populaire, Alain Juppé, la stratégie de déplacement très à droite du curseur du débat idéologique et programmatique avant de dramatiser l'enjeu de la primaire pour ou contre une alternance radicale a bien fonctionné, faisant chuter le Maire de Bordeaux de son piedestal de favori. Mais c'est une dynamique filloniste et non sarkozyste, que même l'ancien Premier ministre, marathonien maudit du quinquennat de François Hollande, et ses équipes ne croyaient plus disponible, qui en profita.

La sortie définitive, spectaculaire parce qu'inattendue à ce stade et forcément humiliante de Nicolas Sarkozy, en cache une autre, très violente car elle aussi intensément dramatique. Celle d'Alain Juppé, qui comme François Fillon sait qu'il joue, à cette occasion, sa première et dernière cartouche présidentielle. Plus tragique, il y avait, dans cette campagne, comme une sorte de revanche sur le sort qui l'avait privé d'une tentative programmée, beaucoup plus tôt, celle de l'après Chirac. Un parti politique perdu en 2004 et un rendez-vous présidentiel manqué en 2007 et c'est un autre, un ami mais un rival aussi qui avait vécu ce qui lui était promis. Nicolas Sarkozy avait pris l'UMP et était devenu Président de la République. Depuis hier, Alain Juppé sait qu'il va avoir beaucoup de mal à remonter un écart presque définitif. Il entrevoit, comme son ami et rival d'hier et d'aujourd'hui, la fin cruelle car sans retour, d'un long destin politique national.

Un changement des contours de la présidentielle et des législatives

Dans cette double chute mortifère, si la possible victoire non programmée de François Fillon se confirme, c'est surtout la déflagration de l'élimination de Nicolas Sarkozy qui va modifier en profondeur, non seulement l'avenir politique des Républicains, mais, soyons en certains, beaucoup plus largement, les contours prochains de l'élection présidentielle et des législatives de 2017. Du côté de l'Élysée, François Hollande vient de perdre son meilleur ennemi, il saura dimanche prochain s'il a vraiment échappé à son adversaire le plus dangereux, Alain Juppé. François Fillon lui proposera une rivalité inattendue, tranquille et très dynamique, légitimée et dans le tempo électoral, mais plus classique aussi et très franchement affirmée sur sa proposition politique de droite conservatrice et libérale à la fois.

 Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a, CEO de Zenon7, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals