Le dégoût européen

Par Michel Santi  |   |  579  mots
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)
OPINION. Crise grecque, crise économique, Brexit... L'Europe ne fait plus rêver et ne donne plus envie. Pire, elle inspire la méfiance à l'égard des élites, des experts, du système électoral, menaçant les fondements de la démocratie. Par Michel Santi, économiste (*).

Le Brexit aurait pu être un simple divorce entre le Royaume-Uni et l'Europe, mais l'escalade entre le Parlement britannique et l'Union européenne est en passe de transformer cette séparation en un événement qui aura une portée fondamentale bien plus profonde.

Car le Brexit n'aura pas seulement une portée géopolitique majeure dans l'Histoire moderne. En effet, après le « non » français en 2005 à la Constitution européenne, néanmoins avalisée en douce et quasi subrepticement par Nicolas Sarkozy - après les élections législatives grecques de 2015 ayant reconduit au pouvoir Aléxis Tsípras qui a immédiatement adopté des mesures diamétralement opposées à ses engagements formulés lors de sa campagne électorale -, le pourrissement du Brexit (que l'on soit pour ou contre) démontre que notre système démocratique occidental est désormais grippé.

Un rejet des élites

Par-delà le cas britannique, cette désaffection contamine les institutions démocratiques, les médias, les décideurs : bref, cette défiance vis-à-vis de ceux que l'on nomme élites et experts est grave, et appelée à durer. Par delà la tragi-comédie britannique, c'est l'ensemble des partis traditionnels qui sont dorénavant perçus comme corrompus, préoccupés par leurs seuls intérêts, et ce n'est pas l'organisation d'un second référendum sur le Brexit (quelle qu'en soit l'issue d'ailleurs) qui assainira cette vision très pessimiste de leurs dirigeants - de ceux d'en haut - que s'en fait une part toujours plus importante des administrés.

Après le commencement de la fin d'une démocratie européenne principalement dirigée par deux partis alternant au pouvoir initié en France par l'élection d'Emmanuel Macron (qui en était simplement l'épiphénomène), après l'Italie qui a basculé dans l'inconnu démagogique, après l'Allemagne elle-même qui regarde avec effarement le nivellement de ses partis traditionnels modérés, une majorité de plus en plus importante de citoyens européens ne se reconnaît plus non seulement dans les partis traditionnels - ce qui est une évidence -, mais ne croit carrément plus en la viabilité du système électoral qui lui a été confisqué.

Une crise de confiance bien établie

La confiance - cet ingrédient fondamental à la base même de la démocratie, de l'économie, de la finance, en somme de la coexistence -, a aujourd'hui disparu, et pour de bon : entre pays européens, mais également à l'intérieur même de chaque nation. La dérive européenne est donc parachevée : la Grande-Bretagne se tournera ainsi vers le reste du monde, quand l'Italie regarde en direction de la Chine, la Pologne en direction des États-Unis, la France de plus en plus vers les pays du Golfe, l'Allemagne vers ses propres intérêts commerciaux, etc.

En finalité, le maintien (possible) ou non de la Grande-Bretagne dans l'Union ne changera rien car l'Europe ne fait plus rêver, l'Europe ne donne plus envie. Il y a un prix à payer à forcer ainsi la main à des générations de citoyens : tant le Royaume-Uni que l'Union européenne le découvriront très prochainement.

___

L'AUTEUR

(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier "Fauteuil 37", préfacé par Edgar Morin. 
Sa page Facebook et son fil Twitter.