Le Périphérique parisien, des nuisances mais aussi des bénéfices

Par François Lévêque  |   |  765  mots
(Crédits : Reuters)
IDÉE. Le Boulevard périphérique va être un des enjeux de la campagne électorale municipale de Paris. Critiqué pour ses embouteillages et la pollution générée, certains préconisent sa suppression pure et simple. Mais ce serait oublier un peu vite les avantages induits qu'il procure. Par François Lévêque, Professeur d'économie à Mines ParisTech, dernier livre paru "Les habits neufs de la concurrence" (éd. Odile Jacob).

Le Boulevard périphérique est une voie communale gérée par la Ville de Paris. Plus d'un million d'automobilistes l'empruntent chaque jour. Sans plaisir. Idem pour les résidents qui l'entourent. Comme Bartleby, un héros de Melville, ils préfèreraient ne pas. Ne pas endurer d'embouteillages. Ne pas subir de bruit. Ne pas souffrir de la pollution. Mais le Périphérique n'est-il que nuisances ?

Sans doute puisque sa destruction pure et simple est même envisagée dans le cadre de la campagne municipale qui vient de démarrer. Pas de doute non plus sur l'absence de bénéfices qu'il procurerait en lisant le rapport d'une mission d'élus d'aujourd'hui, un rapport sur son futur discuté cette semaine au Conseil de Paris. Il contient deux mesures phares : la limitation de la vitesse autorisée à 50 km/h et la diminution du nombre de voies.

On ne sait pas

Admettons que ces contraintes réduisent significativement les émissions en microparticules et gaz variés en comparaison de la circulation d'aujourd'hui. C'est une évidence pour les auteurs du rapport mais en réalité on ne sait pas. Des forces contraires agissent dont on ne connaît pas la résultante : d'un côté un écrêtement de la circulation entre 70km/h et 50 km/h et un nombre total de kilomètres parcourus moins nombreux - et donc moins d'émissions ; d'un autre, une vitesse moyenne plus basse (elle est aujourd'hui de 35,5 km/h en journée) et plus de kilomètres parcourus à une vitesse d'escargot - et donc plus d'émissions. Cinq ans plus tard, on ne sait d'ailleurs toujours pas si le passage de 80km/h à 70km/h a réduit les émissions car aucune évaluation sérieuse des effets de cette mesure n'a été réalisée.

Mais admettons que cette diminution espérée des émissions se réalise. Elle réduira de facto les effets qui lui sont associés : consultations médicales pour gêne respiratoire, arrêt maladie, décès prématurés, et même, pour le CO2, contribution au réchauffement de la planète. Bref, elle entraînera une baisse des coûts sociaux, c'est-à-dire les coûts subis directement par les individus plus les coûts subis indirectement par la société.

Mais la circulation apporte aussi des bénéfices sociaux. Il ne faut pas l'oublier. Se rendre plus vite d'un point à un autre fait gagner du temps à l'automobiliste. La vitesse moyenne dans Paris intra-muros est par exemple deux fois plus lente que sur le Périphérique. Or le temps, c'est de l'argent. L'ordre de grandeur qui est retenu par les économistes du transport est d'une quinzaine d'euros par heure.

Bénéfices indirects

Il convient aussi de tenir compte des bénéfices indirects. La mobilité contribue à la richesse car elle met en relation un plus grand nombre d'individus et d'activités que la distance autrement séparerait. Cela permet plus d'échange commercial, un plus grand partage de connaissances et d'expériences et une meilleure adéquation des besoins et demandes d'emploi. C'est un résultat fondamental des travaux de l'économie géographique.

Négliger les bénéfices sociaux du Périphérique, en particulier indirects, revient à faire fausse route. Cette attitude conduit à proposer et imposer de trop fortes limitations du trafic. Elle conduit aussi à des erreurs d'appréciation manifestes. Ainsi un adjoint à la Mairie de Paris s'insurge-t-il dans le rapport précité contre ce qu'il croit être une iniquité : les Parisiens payent les charges d'exploitation du Périphérique à travers leurs impôts, en subissent les nuisances alors que, l'utilisant peu, ils en profitent peu.

Il est vrai que seuls 5% des déplacements observés sur cette voie communale ont Paris intra-muros pour origine et pour destination. Le reste se divise à peu près en deux moitiés : 45% de déplacements de banlieue à banlieue et 50% de déplacements entre Paris intra-muros et extra muros dans un sens ou dans l'autre. Comme si les déplacements pendulaires des banlieusards travaillant à Paris ne contribuaient pas à la richesse de Paris intra-muros et de ses habitants ; de même pour les déplacements sans origine ni destination dans Paris intra-muros même si sans doute leur apport à la prospérité de la Capitale est un peu moindre que pour les précédents.

A son inauguration en 1973, le Périphérique n'était vu que comme une source de bienfaits. Ne tombons pas dans l'excès inverse aujourd'hui en ne lui accordant que des défauts.