Droite : des candidats à la primaire crédibles sur les dépenses publiques ?

Par Ivan Best  |   |  1268  mots
Nicolas Sarkozy a détaillé le 30 mars son programme d'économies 2017-2022.
Nicolas Sarkozy comme Bruno Le Maire et François Fillon promettent 100 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques. Si François Fillon semble vouloir assumer une révolution libérale, Nicolas Sarkozy défend, malgré tout, le maintien du système actuel de protection sociale. Ce qui rend son programme moins crédible

C'est le chiffre magique des programmes de politique économique à droite : il faut tailler dans la dépense publique en France pour la ramener de 57% du PIB aujourd'hui, à 50%, soit juste au dessus de la moyenne européenne. Et, pour y parvenir, réaliser au moins 100 milliards d'euros d'économies.  Mais où ? Cette promesse pourra-t-elle vraiment se traduire dans les faits, en cas de victoire de la droite?

En fait, il y a 100 milliards et 100 milliards... Ceux de Nicolas Sarkozy ne ressemblent pas nécessairement à ceux de François Fillon ou Alain Juppé, ou Bruno Le Maire. Bien sûr, on ne connaît pas le détail des économies envisagées. Seul Nicolas Sarkozy, au nom des Républicains, a rendu public le 30 mars un document censé détailler les économies à venir. Censé, car en dépit de l'affichage d'une addition se voulant précise et tombant juste, un certain flou continue de régner sur la réalité des économies possibles. De ce document et de sa présentation par les experts des Républicains se dégage une idée force : les économies viendraient majoritairement d'une meilleure gestion. Bien sûr, certaines seraient contestées -comme l'instauration d'une dégressivité des allocations chômage, dans le cadre d'une Unedic reprise en main par l'Etat-. Mais le projet repose globalement sur un maintien des politiques publiques actuelles, « à périmètre constant ». L'idée est longuement développée selon laquelle il suffirait de mieux organiser les administrations -ce qui permettrait de supprimer 300.000 postes de fonctionnaires, y compris dans les collectivités locales- pour atteindre un montant d'économies considérables (une cinquantaine de milliards d'économies, y compris le passage de 35 à 37 heures dans la fonction publique).

Révolution libérale?

Avec la révolution libérale qu'il préconise, François Fillon, entend aller plus loin dans les économies -110 milliards- mais aussi dans la réforme : réduction du nombre de collectivités territoriales, passage aux 39 heures dans la fonction publique, et surtout réforme des retraites, avec passage de l'âge légal à 65 ans et mise en place d'un système de capitalisation.

Ce sujet de la retraite est essentiel. Si la protection sociale - au sens large : santé, politique familiale, retraites, allocations chômage, politique du logement, RSA - représente un budget équivalent à un tiers du PIB, ce qui constitue un record mondial, comme le soulignent les experts des Républicains, c'est d'abord en raison du poids des pensions. Le choix a été fait en France de retraites plus largement publiques qu'ailleurs. Le système de retraite représente en France une dépense proche de 14% du PIB, alors que la moyenne européenne est de 11%.

Plus de retraites publiques en France

Non pas que les retraités français soient beaucoup mieux traités qu'ailleurs -ils le sont peut-être, mais à la marge. La différence tient surtout au mix public/privé. En Grande-Bretagne, la retraite publique représente 580 euros par mois, et jamais au-delà. Pour le reste, il faut faire appel au secteur privé. Les salariés anglais cotisent à des fonds de pension, afin d'obtenir un revenu supérieur à des 580 euros, une fois partis en retraite. Ces fonds de pension ne sont évidemment pas comptabilisés en dépense publique, ni en prélèvements obligatoires, même si les salariés ont dû renoncer à une partie de leur rémunération nette pour y cotiser, et si cette cotisation est pour partie obligatoire. S'agissant d'organismes d'épargne retraite privés, il ne peut s'agir d'une dépense publique.

Les salariés allemands sont sur cette tendance, depuis les années 2000 et des coupes claires dans les pensions publiques : ils doivent souscrire à des plans Riester (fonds de pension) s'ils veulent encore espérer disposer d'une retraite correcte, le système public érodant année après année les prestations versées. Grâce à cette érosion, la dépense publique allemande a pu baisser ces dix dernières années, en dépit d'un afflux de nouveaux retraités. Elle a été ramenée à 9% du PIB, soit cinq points de moins qu'en France ! En annonçant la création d'une véritable retraite par capitalisation, François Fillon entend-il s'inspirer du « modèle » allemand ? Il ne le dit pas aussi clairement, mais ce peut être son intention.

Nicolas Sarkozy veut maintenir le système de retraites

Nicolas Sarkozy n'envisage pas une telle privatisation -au moins partielle- de l'assurance vieillesse, essentielle aux yeux des économistes libéraux. Pour ceux-ci, il faut revoir l'étendue de la protection sociale, renoncer notamment à un système couvrant toute la population, qui est beaucoup trop onéreux, et va le devenir de plus en plus, sous l'effet des décisions prises par le gouvernement et les partenaires sociaux, alourdissant le coût du travail. C'est ce que préconise Jean-Charles Simon, président de Facta Group, qui suggère de limiter le système de retraites actuel aux bas et moyens salaires. « Plus les salaires sont élevés, plus la part prise par la socialisation des mécanismes de retraite apparaît aberrante » affirme-t-il dans son blog du contrarian (La Tribune.fr).

« S'il est concevable qu'un pays veuille protéger les retraités les plus modestes avec un taux de remplacement très élevé dans le cadre d'un régime obligatoire, il n'y a aucune rationalité à vouloir qu'un système de retraite soit aussi couvrant pour toutes les catégories de revenus. Compte tenu de nos évolutions démographiques, cela s'effectue au prix de prélèvements exorbitants sur les salaires, qui, aux tranches les plus faibles, créent du chômage, et aux niveaux plus élevés, découragent salariés et entreprises, et conduisent in fine à une spécialisation de l'économie française sur des activités à faible valeur ajoutée ».

Mais on ne trouvera rien de tel dans le programme des Républicains, présenté par Nicolas Sarkozy. Il entend uniquement repousser l'âge de départ à la retraite à à 63 ans à partir de 2020, et à 64 en 2025. Ce qui signifie au passage que les 51 milliards d'économies affichés sur la protection sociale ne seraient pas atteints, en fait, à la fin du prochain quinquennat. Concernant la protection sociale, l'économie la plus importante affichée par Nicolas Sarkozy, outre celle sur les régimes de retraite, concernerait le remboursement des médicaments. Le taux de remboursement passerait de 76 à 73%. La sécu échapperait du coup à une charge de six milliards d'euros.

Un rabot inefficace?

L'économiste Christian Saint-Etienne, qui contribue à la réflexion des Républicains, et l'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, soulignent l'inefficacité de la technique habituelle « du rabot », consistant pour les « budgétaires » de Bercy à écrêter tous les postes de dépenses. De vraies réformes sont nécessaires, affirment-ils. Mais le programme d'économies présenté par le parti de Nicolas Sarkozy s'inscrit-il vraiment en rupture avec cette technique ? Par exemple, cette baisse de trois points du taux de remboursement des médicaments, ne présente-t-elle pas toutes les caractéristiques du coup de rabot ? De la non réforme, du simple mécanisme permettant d'alléger les dépenses de sécu, sans revoir les structures de prise en charge ?

En fait, le programme des Républicains n'assume pas de rupture avec le système public tel qu'il fonctionne aujourd'hui. En affichant un montant d'économies considérable -même si le compte n'y est pas, en dépit des efforts d'affichage-, tout en affirmant pouvoir maintenir notre système actuel de protection sociale, dit-on toute la vérité aux électeurs ?