ll faut dénoncer la supercherie de l'aide "climat" aux pays pauvres

Par Bjorn Lomborg  |   |  880  mots
Chaque jour, Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School , décrypte pour La Tribune les enjeux de la COP21. Au nom de l'aide "climat" aux pays pauvres, les pays riches détournent des sommes destinées à des actions autrement utiles, comme la lutte contre la malnutrition ou le paludisme.

Un des sujets dont nous entendons fréquemment parler ici à Paris est ce que l'on appelle communément « l'aide climatique ». D'énormes pressions ont émané de la part des ONG pour convaincre les pays riches d'investir beaucoup dans l'aide à l'ajustement des pays pauvres face au réchauffement climatique. « L'aide climatique » est un terme fourre-tout qui englobe tout ce qui a trait au financement des pays pauvres sur tout ce qui peut être lié au réchauffement climatique, allant de la sensibilisation aux panneaux solaires, à l'adaptation, ou à tout ce que pouvez imaginer concernant le changement climatique.
Ces pressions ont déjà porté leurs fruits. Selon les analyses de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur environ 70% de totalité de l'aide mondiale au développement, un quart de ces financements vont être alloués à l'aide liée au climat.

 Ce lundi, Malcolm Turnbull, le Premier Ministre australien, s'est engagé à réallouer à l'aide climatique environ 1 milliard de dollars prélevés sur les fonds d'aide australiens pour le développement. En octobre dernier, le Président de la Banque Mondiale, Jim Yong Kim, avait promis d'augmenter d'un tiers les financements climatiques directs de la Banque Mondiale, ce qui portera les financements annuels de l'institution à environ 27 milliards d'euros en 2020.

En septembre, le Président chinois Xi Jinping s'est aligné aux promesses du Président Obama en s'engageant à verser 2.8 milliards d'euros d'aide dans le Fond vert pour le climat mis en place par l'ONU. La Grande-Bretagne va détourner 8.2 milliards d'euros de son budget pour l'aide extérieure vers l'aide climatique au cours des cinq prochaines années, et la France a promis 5 milliards d'euros par an d'ici 2020 en partant de 3 milliards d'euros aujourd'hui.

100 milliards de dollars par an?

Pour beaucoup de délégations ici, à la COP21,  l'objectif est de porter le financement international de l'aide climatique à un montant ahurissant de 100 milliards de dollars par an (94 milliards d'euros). Ce chiffre a émergé du désastreux sommet climatique de Copenhague il y a six ans, lorsque les pays développés ont avancé la promesse inconsidérée d'investir 100 milliards de dollars dans « le financement climatique » des pays pauvres d'ici 2020.

Rachel Kyte, la vice-présidente de la Banque Mondiale et un envoyé spécial sur le changement climatique, ont récemment déclaré dans le Guardian que ce chiffre « a été choisi sans fondement réel à Copenhague » pour sauver un accord de dernière minute. Et comme dans la plupart des évolutions de ce genre de choses, réaliser cet objectif arbitraire est finalement devenu fondamental à la réussite du sommet de Paris.

Des sommes déjà existantes

Je suis profondément choqué par ce type de  process , et par la focalisation de ce sommet sur la négociation d'une entente autour de l'aide climatique.
La majorité de l'argent investi dans cette « aide climatique » n'est pas nouveau. Il ne provient pas de budgets existants dédiés au changement climatique. Il a été récolté dans des fonds d'aide au développement déjà en place. Des fonds sont détournés au profit de préoccupations climatiques, aux dépens de l'amélioration de la santé publique, de l'éducation et du développement économique.

Aux dépens de la lutte contre la malnutrition

Dans un monde où la malnutrition continue à faire au moins 1.4 million de décès par an chez les enfants, où 1,2 milliard d'individus vivent dans l'extrême pauvreté, et où 2n6 milliards de personnes n'ont pas accès à une eau potable salubre et à des systèmes d'assainissement adéquates, cette insistance grandissante sur l'aide climatique est tout simplement immorale.

Comme je l'ai souligné hier, un sondage en ligne effectué par l'ONU sur plus de 8 millions de personnes à travers la planète a montré que les répondants des pays les plus pauvres ont classé « les actions sur le changement climatique » en dernier sur 16 catégories, lorsqu'on leur a demandé « Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus ? ».

Offrir des panneaux solaires aux populations les plus démunies à la place d'un meilleur accès aux soins ou à l'éducation se rapporte à une auto-complaisance inexcusable. Les sources d'énergies renouvelables peuvent être utiles pour un éclairage unique ou pour recharger un téléphone cellulaire. Mais elles s'avèrent largement inutiles lorsqu'il s'agit de combler les besoins énergétiques principaux des populations pauvres.

Un des moyens les moins efficaces pour aider les plus mal lotis

L'aide climatique est l'un des moyens les moins efficaces pour aider les plus mal lotis dans le monde. Le coût de la réduction d'émission de carbone programmée au protocole de Kyoto, aurait pu éviter 1400 décès dus au paludisme pour environ 170 milliards de dollars par an. Et seulement 470 millions d'euros dépensés sur les politiques directes contre le paludisme tels que l'octroi de moustiquaires pourraient sauver 300 000 vies. Investir directement dans la recherche agronomique et dans l'amélioration des technologies agricoles aidera l'agriculture largement mieux que les politiques climatiques. Aider des populations à sortir de la pauvreté sera des milliers de fois plus efficace que les réductions d'émission de carbone.
L'aide climatique ne figure certainement pas parmi les points où les pays riches pourront aider le plus, ni parmi les aspirations et les besoins des plus démunis.