Macron et Trump à l'épreuve de la ligne sanglante en Syrie

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  695  mots
(Crédits : DR)
Après avoir défini une "ligne rouge" à ne pas dépasser - l'utilisation de l'arme chimique -, la reculade de Barack Obama en 2013 fut une terrible erreur, celle qui ouvrait la porte à tout, et surtout au pire. La « ligne rouge » est devenue une ligne sanglante. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.

Voici une épreuve majeure pour Emmanuel Macron, bien au-delà de la pseudo « Guerre du Rail » française, celle diplomatique et militaire d'une vraie guerre, en Syrie.

Quelle terrible erreur, pire, quelle faute que celle commise en 2013 par Barack Obama. Le président star avait fait de l'arme chimique la « ligne rouge » à ne pas dépasser par Bachar al-Assad. Obama, prix nobélisé et globalement adulé, Président de la première puissance mondiale, avait, devant l'obstacle des frappes chimiques syriennes, refusé de prendre ses responsabilités punitives. Chantre d'un incertain « leading from behind », Barack Obama avait ainsi ouvert la porte à tout, partout, et surtout au pire.

Ce fut le repli de trop. Dans ce monde multipolaire et instable, on ne peut affirmer une vision du monde agissante en restant caché à la Maison-Blanche, en moulinant les bras et la voix au Conseil de sécurité ou devant les caméras des grands networks. Le storytelling hollywoodien et la communication politique, même 2.0, ne peuvent rien contre les actes, en particulier violents ou barbares. Donald Trump, Emmanuel Macron, Theresa May et d'autres vont devoir s'en souvenir lorsqu'ils vont décider quoi faire dans les prochaines heures.

Les démocraties à l'épreuve de la gangsta-diplomatie

La  « ligne rouge » de Barack Obama est devenue une ligne sanglante tant elle a été bafouée ! Ils sont quelques-uns, on cite souvent Bachar al-Assad depuis 7 ans, mais ils sont plus nombreux et dans d'autres géographies, à tester une ligne de l'horreur très mouvante et acceptable par le camp des démocraties. Forts de leurs stabilités internes verrouillées, c'est un euphémisme, ils éprouvent, sans relâche, nos faiblesses individuelles et collectives, dans une nouvelle géopolitique de l'épreuve entre terreur asymétrique et gangsta-diplomatie. Ils avancent durablement dans un gagne terrain ciblé et régional en profitant de la crainte obsessionnelle et paralysante des risques de réactions en chaîne internes et externes de nos agora démocratiques.

Dans la crainte d'une onde de choc planétaire

En 2013, la couardise de Barack Obama s'exerça alors que la situation en Syrie était chaotique mais beaucoup plus claire et à l'avantage des puissances occidentales. 2018 propose un équilibre beaucoup plus complexe. La Syrie est comme d'autres espaces, peut-être encore plus que d'autres, l'une de ses régions où se teste l'équilibre global des forces de blocs de puissances rivaux. Dans le désordre, vous les réassocierez, USA, Russie, France, Iran, UK, Turquie, Israël, Arabie Saoudite, Chine... tous alimentent cette géopolitique de l'épreuve, Kosovo, Irak, Syrie, Géorgie, Syrie, Ukraine... Une pratique qui atomise toute réponse d'opposition par crainte d'une onde de choc planétaire.

Quelle solution proposera la néo-diplomatie d'Emmanuel Macron ?

Le stop n'existe plus d'autant que l'autre paralysie est celle de l'ONU. Les 11 vetos russes déposés, depuis 2011, au Conseil de sécurité bloquent toute résolution condamnant le régime de Bachar al-Assad. Moscou désamorce aussi les enquêtes sur des exactions présumées. Nul doute que le veto de la Russie s'opposera encore à la validation d'une intervention collective de punition co-pilotée par les USA et la France.

Voici un test d'envergure pour un Emmanuel Macron, qui tente d'imposer sa marque mondiale méthodiquement depuis son accession à la Présidence. Il fait face à la géopolitique de l'épreuve proposée par des adversaires qui vont jauger la réalité de ses ambitions et de sa détermination comme celle de son allié de circonstance, Donald Trump. S'ils reculent comme Barack Obama, ils perdront individuellement et collectivement une large part de leur crédibilité. S'ils décident de se lancer dans l'aventure de frappes sur la Syrie de Bachar al-Assad, ils poseront un stop à ce gagne terrain mortifère de la terreur mais ils prendront aussi le risque de déclencher une escalade guerrière. La néo-diplomatie d'Emmanuel Macron doit inventer une solution et proposer des actes. Vite, très vite !

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Par Jean-Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals