Manuel Valls invente l'Erasmus politique

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  687  mots
(Crédits : Reuters)
Fini, opportuniste, parachuté, traitre,... il est déjà soumis à un feu très nourris de critiques venues de tous les bords des deux espaces politiques français et espagnols. Il le sera encore pendant de longues semaines. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.

Beaucoup vont espérer sa chute, certains même sa mort politique. La démarche est inédite pour un ex Chef de gouvernement. Elle en est d'autant plus largement incertaine. Rien n'assure que la greffe prendra. Mais là n'est pas l'essentiel. C'est d'Europe politique dont il s'agit.

Il fut un temps le favori de la Présidentielle 2017. Emporté par la vague obsolescente d'Emmanuel Macron, l'aigreur paralysante de François Hollande, sa défaite à la primaire des gauches et la décomposition du Parti socialiste. Il a survécu d'extrême justesse aux législatives à une intense guerre ad hominem. Il a tenté de se vendre au nouveau Souverain qui l'a rejeté et lui a fait comprendre de ne plus croire à une suite politique nationale.

Que faire pour ce joueur funambule ? Accepter cette relégation comme les autres et attendre patiemment que les vents électoraux balaient le nouveau monde dans l'espoir d'un retour, prendre le chemin d'une Venise nouvelle ou se créer un nouvel avenir, ailleurs ?

Il n'aura pas hésité longtemps. Il arrive à Barcelone avec comme seul bagage, seul apport politique, ses ex fonctions, son acte de naissance, son amour du Barca... c'est peu, mais fidèle à son ADN personnel : il exploite les circonstances et sait mobiliser des leviers puissants. Il va tenter de se réinventer une nouvelle fois en capitaine corsaire du 21ème siècle. Snobé, attaqué et peut-être demain craint par ses adversaires. Scruté puis observé et peut-être choisis par les citoyens, par les médias... de près, de loin, la campagne va tourner autour de Manuel Valls.

C'est un défi inédit, risqué mais beau : se lancer à la conquête, dans un autre pays que le sien, d'une ville symbole de l'état de l'aventure européenne, d'une ville capitale à l'audience mondiale, au cœur d'un questionnement identitaire et institutionnel décisif pour l'avenir de l'Espagne et de l'Europe.

Je pense avec d'autres que nous vivons des temps exceptionnels qui peinent à voir émerger des hommes et des femmes d'exceptions. Quelques uns se rêvent ainsi. La dure réalité des affaires étatiques et des joutes géopolitiques les ramènent le plus souvent à leur niveau. Personne ne peut prédire la suite mais dans cet environnement hors norme se créent des histoires qui contribuent à l'Histoire et qui changent les destins collectifs. Manuel Valls peut concrètement bousculer une petite part de l'Histoire et du destin collectif de l'Europe en se lançant à la conquête de Barcelone.

Première victoire : il va avaler une large part de l'attention politique et médiatique européenne au moment même où l'Europe va renouveler son Parlement puis sa Commission dans un contexte interne entre Brexit, populismes conquérants et instabilités nationales italiennes, espagnoles. Il va concentrer les regards, énormément d'espoirs, de haines aussi ... dans cet acte fondateur d'une nouvelle Europe politique, dans une Espagne et une Catalogne en quête d'un nouveau leadership.

N'est-ce pas ce qui manque cruellement à l'Europe, incroyable aventure géopolitique, des défis humains, des personnalités qui transgressent l'implacable prévision négative des oracles de ces temps inquiétants. Manuel Valls propose une expérience qui nous concerne tous et toutes. Un visage, une voix, une histoire qui disent la vitalité de l'Europe et sa dimension profondément humaine. Manuel Valls pousse une porte de ce qui passionne les publics, partout : la fabrique du politique, la conduite d'une bataille électorale hors norme. Les citoyens vont exercer toute leur curiosité, et très au delà de Barcelone, ils vont se laisser embarquer dans une dimension nouvelle, captivante, de l'Europe politique en construction.

Cela va nécessiter l'engagement total, presque vertigineux, d'un homme, entre destin personnel, retour aux sources familiales et épopée politique événement.

Rendez-vous Manuel Valls à la Mairie de Barcelone le soir du 26 mai prochain au 1 Place Sant Jaume pour fêter votre victoire ou autre chose. Il n'y aura pas de défaite.

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Par Jean-Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals