Merkel 4, une ombre sur l’Europe  ?

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  431  mots
Ce dimanche nos voisins allemands ont décidé de poursuivre leur longue aventure avec Angela Merkel. Pas de dégagisme à la française donc, mais une évolution politique plus subtile presque une punition démocratique. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.

Les Allemands gardent leur Chancelière, mais ils l'affaiblissent. Ils l'isolent même dans un paysage politique en grande partie inédit et difficilement gouvernable. Un peu comme s'ils avaient voulu la mettre à l'épreuve, la réveiller.

La quête d'une majorité s'annonce compliquée. Voici venue la fin presque certaine d'une alliance gouvernementale, avec le SPD, qui fut très confortable politiquement pour Angela Merkel. Une coalition libérale avec un ambitieux et turbulent FDP - comme entre 2009 et 2013 - serait insuffisante. On évoque une coalition « Jamaïque » inédite et risquée avec les mêmes libéraux et les écologistes aux vues diamétralement opposées sur certains sujets centraux : les réfugiés, la politique fiscale ou encore l'Europe.

Car si l'agenda est allemand, c'est surtout d'Europe dont il s'agit. Une Europe qui attendait fébrilement la nouvelle composition du Bundestag pour lancer véritablement sa mutation.

Sur les principaux enjeux à impacter, politique de défense commune, futur de la zone euro et gouvernance économique, fiscalité, politique de frontières, protection des citoyens... les Européens sont impatients et le contexte international fait pression. Bruxelles, Berlin, Paris, et les autres capitales doivent répondre au plus vite. Les Européens et l'Europe ont besoin de signaux clairs et rapides.

La fragmentation du paysage parlementaire, l'arrivée d'une force d'extrême-droite, l'affaiblissement du SPD... dans ce contexte agité, Angela Merkel va-t-elle se réveiller ? Saura-t-elle se métamorphoser, s'engager dans une démarche pro-européenne qu'elle n'a pas voulu libérer depuis douze ans ? Alors même qu'elle maîtrisait confortablement son destin national. Le vote de dimanche ne clarifie rien.

Anticipateur, Emmanuel Macron veut forcer la main à Angela et tenter d'imposer ce mardi, depuis Paris, son projet de « refondation » de l'Europe pour plus de démocratie, plus de gouvernance économique, plus de protections... au cœur du débat politique européen et surtout allemand avant que ne débute les longs travaux qui en Allemagne précèdent un éventuel « contrat » de coalition.

Il lui faudra beaucoup d'éloquence et de nombreux soutiens venus d'autres capitales européennes car, quelle que soit la coalition finalement agrégée, le projet européen français pourrait se fracasser sur l'adition de la surdité conservatrice d'Angela Merkel et les frilosités collectives allemandes. À moins qu'une divine surprise ne vienne d'Angela elle-même...

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Par Jean Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals