Merkexit, Angela Merkel et le mandat de trop

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  743  mots
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : Reuters)
Le revers électoral subit ce dimanche lors des élections régionales en Hesse où, bien qu'arrivée en tête, la CDU a perdu plus de 11 points avec à peine 27% des voix, contre 38,3% en 2013, tandis que l'extrême droite et les Verts ont progressé nettement, vient confirmer l'usure politique entre Angela Merkel. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.

Frappée au cœur par une nouvelle lame venue cette fois de Hesse ce dimanche, la Chancelière a chancelé. Après l'épisode bavarois, c'est un second genou qu'elle met à terre.

Stop, a-t-elle murmuré. Angela Merkel renonce. Elle l'a annoncé ce lundi. Elle ne se représentera pas en décembre prochain à la présidence du parti qu'elle dirige sans partage depuis plus de 18 ans : la CDU. "Il est temps d'ouvrir un nouveau chapitre."

Dans la foulée, Angela Merkel a déclaré qu'elle se retirerait définitivement de la vie politique à la fin de son mandat de cheffe de gouvernement qui doit se terminer en 2021.

Rejet des partis traditionnels

Voilà plusieurs mois que les électeurs allemands rejettent en masse les deux grands partis traditionnels qui gouvernent l'Allemagne de l'Ouest puis l'Allemagne réunifiée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le revers électoral subi ce dimanche lors des élections régionales en Hesse où, bien qu'arrivée en tête, la CDU a perdu plus de 11 points avec à peine 27% des voix, contre 38,3% en 2013, tandis que l'extrême droite et les Verts ont progressé nettement vient confirmer l'usure politique entre Angela Merkel.

La bataille pour la succession s'annonce rude

Depuis des mois, des cadres de plus en plus nombreux de la CDU exigeaient un coup de barre à droite et réclamaient à Angela Merkel de préparer sa succession. Elle avait toujours refusé. Angela Merkel a viré de bord et prend donc ses responsabilités en annonçant sa décision de ne pas rester à la présidence du parti et en ouvrant la bataille de sa succession. La compétition s'annonce violente entre les tenants de la poursuite d'un cap centriste et ceux qui veulent un vrai coup de barre à droite face à la poussée de l'extrême droite dans le pays.

Angela Merkel piloterait donc le bateau pendant deux ans et tirerait sa révérence. On peut en douter tant ce navire prend l'eau. En fait Angela Merkel n'est pas loin d'une liquidation rapide.

SPD en crise, coalition minée

Au-delà de sa propre chute de popularité depuis sa décision d'ouvrir les frontières du pays à plus de 1 million de demandeurs d'asile en 2015 et 2016, au-delà des divisions et revers électoraux de la CDU, c'est la profonde crise au sein du SPD qui vient menacer sa propre programmation, même accélérée, de sa sortie de la vie politique. Le SPD n'en finit plus de s'effondrer et de s'enfoncer dans la crise. Après avoir subi une claque encore plus brutale en Bavière, il y a seulement deux semaines devenant le cinquième parti du Land le plus riche du pays avec 9,7% des voix contre 20,6% quatre ans plus tôt. Les sociaux démocrates ont cette fois reculé de 10,9% avec 19,8% des voix dans le Land de Hesse.

De peur de voir leur parti disparaître, les militants du SPD réclament de plus en plus fort une cure d'opposition. Ils ne veulent plus d'un gouvernement de coalition. "L'état dans lequel se trouve le gouvernement est inacceptable", a lâché, sous pression, Andrea Nahles, la présidente des sociaux-démocrates. Elle agitait ce dimanche soir la menace d'un départ du gouvernement, faute de garanties rapides sur un meilleur fonctionnement du gouvernement. La coalition est minée par de multiples désaccords et querelle internes, en particulier sur la politique migratoire.

Au risque d'un tremblement de terre politique et géopolitique

Un départ des sociaux-démocrates de la coalition, et ce serait la fin du gouvernement, des élections anticipées et donc la fin anticipée de la carrière politique de la chancelière.

La fin de l'aventure est toute proche. Ces partis sont comme "deux personnes en train de se noyer en étant enchaînées l'une à l'autre", prophétise le politologue Hans Vorländer.

Le mandat était donc, comme souvent, celui de trop. Mais, très au-delà de son destin personnel, la chute, avant la fin de l'année, d'Angela Merkel provoquerait un tremblement de terre politique et géopolitique très au-delà d'une Allemagne non préparée. C'est évidemment l'Union Européenne qui serait impactée à la veille des élections au Parlement Européen. Emmanuel Macron et la France doivent vite s'y préparer.

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Par Jean-Christophe Gallien
Politologue et communicant
Président de j c g a
Enseignant à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals