Le transport aérien est une activité trop aisément taxable

Par Claude Abraham  |   |  558  mots
Récemment, la ministre des transports, Elisabeth Borne déclarait que le "TGV était naturellement plus cher que l'avion" en raison du financement des infrastructures. Une déclaration surprenante dans la mesure où la ministre laisse entendre que l'avion ne supporterait pas le coût des infrastructures. Ce qui n'est pas le cas. Au contraire, le transport aérien est assujetti à une taxation que n'a pas à supporter le train. Par Claude Abraham, ingénieur général honoraire de Ponts et Chaussées et ancien Directeur général de l’aviation civile.

Il y a quelques jours, lors de son audition au Sénat, Madame Elisabeth Borne, ministre des transports, a déclaré « que le TGV était plus cher que l'avion, car une partie du financement des infrastructures était supportée par le prix du billet »Une partie seulement, faut-il le rappeler ; sur les 9 milliards du coût de la LGV Tours Bordeaux, 3 milliards proviennent de subventions des collectivités territoriales, auxquels il faut ajouter le milliard versé au concessionnaire par RFF, devenu SNCF réseau, allégeant d'autant le niveau des péages facturés par ledit concessionnaire. Faut-il également rappeler que la LGV Paris Strasbourg a bénéficié de subventions de l'État, de l'Union européenne, du Grand Duché du Luxembourg, et des Collectivités territoriales pour un montant total représentant plus de 75% du coût du projet.

Coûts des infrastructures

La déclaration de la ministre est un peu surprenante à un double titre. En premier lieu, il est loin d'être évident que le TGV soit, pour les voyageurs, plus cher, en moyenne, que l'avion. Surprenante également dans la mesure où la ministre laisse entendre que l'avion, concurrent du chemin de fer, ne supporterait pas, lui, le coût de ses infrastructures. Or, il n'en est rien : si l'on excepte quelques plateformes secondaires, la quasi-totalité des aéroports desservis par des lignes concurrentes du TGV vit sans subventions publiques, le développement, l'entretien et l'exploitation des principaux aéroports étant financés grâce aux taxes perçues par les concessionnaires.

Mais il y a bien plus. Les transporteurs aériens acquittent une « taxe d'aviation civile », versée à un budget annexe, ( Budget annexe contrôle et exploitation aériens), qui sert, entre autres choses, à financer la Direction générale de l'aviation civile, et en particulier son activité de contrôle économique et technique du transport aérien : je ne sache pas que la SNCF finance son administration de tutelle. Cette taxe d'aviation civile, toujours par le biais du budget annexe, permet d'assurer le financement des contrôles de sûreté effectués dans les aéroports, dont il n'existe pratiquement aucun équivalent pour le transport ferroviaire. De même, le contrôle de la circulation aérienne est financé par une « redevance de circulation aérienne ».

"Taxe Chirac"

Par ailleurs, ces mêmes transporteurs  acquittent une taxe, dite « taxe Chirac »,  alimentant un « Fonds de solidarité au développement », dont le transport ferroviaire est dispensé. Donc, non seulement le transport aérien, lui, couvre-t-il la totalité des coûts qu'il occasionne, mais il a droit à des taxes supplémentaires spécifiques, auxquelles on pourrait même associer la « taxe sur les nuisances sonores ».

C'est que le transport aérien est une activité trop aisément taxable. Elle continue d'avoir la réputation, totalement sans fondement, d'être réservée aux voyageurs fortunés. Elle est, par ailleurs, facile à  appréhender : on connait, à l'unité près, le nombre de passagers embarqués ou débarqués, ou le nombre, la destination ou l'origine, et les caractéristiques des vols. Mais on la fragilise dangereusement. Le TGV, surtout quand il est subventionné, s'avère un concurrent redoutable, engendrant des transferts de trafic se traduisant par des réductions du nombre d'avions en vol, et donc des pertes d'emplois, dont nul ne semble se soucier.