Revenu universel : gare au serpent de mer

Par Guillaume Cairou  |   |  699  mots
Dès que les questions concrètes relatives à sa mise en place se posent, l'utopie du revenu universel se trouve ainsi confrontée à ce triste mais inévitable concept qu'est la réalité. Où trouver 600 milliards d'euros, soit un tiers du PIB ou le montant total de nos dépenses sociales? Par Guillaume Cairou, Président fondateur de Didaxis - Hiworkers

Le travail : obstacle ou condition de notre liberté ? Derrière cet énoncé proche du sujet de philosophie, sur lequel ont déjà planché plusieurs générations de candidats au baccalauréat, se cache un débat plus actuel que jamais, à l'heure où certains de nos responsables publics, de droite comme de gauche, s'engagent avec ferveur pour le revenu universel.

Qu'on l'appelle revenu ou dividende, qu'il soit universel ou de base, l'urgence serait donc à l'instauration d'une allocation individuelle et inconditionnelle, garantie à tous les citoyens sans contrepartie de ressources, soit une idée vieille de plusieurs siècles mais habilement redécouverte par une partie de notre personnel politique à l'occasion de la campagne en cours. Tant pis si la proximité de l'élection présidentielle de 2017 fait justement planer une suspicion d'enfumage autour de cette drôle d'initiative, alors que la France compte près de 3,5 millions de demandeurs d'emploi, pour beaucoup de longue durée, nonobstant l'éphémère embellie du mois de septembre dernier.

 En contradiction avec l'éthique de responsabilité individuelle

Les français ne s'y trompent d'ailleurs pas, conscients qu'un tel mécanisme aurait pour dangereuse conséquence de laisser à chacun l'effarante liberté de choisir s'il souhaite exercer une activité rémunérée ou non, en contradiction totale avec les valeurs et l'éthique de responsabilité individuelle propre à notre société occidentale.

 Si 62% de nos concitoyens jugent aussi injuste que désinscitative l'idée d'un revenu universel attribué à vie (sondage Odoxa - novembre 2016), ils sont par ailleurs 67% à douter également du réalisme de cette mesure, preuve que la nocivité le dispute ici à une certaine forme d'angélisme ! Le revenu universel, solution miracle face au chômage et à la précarité ? La belle affaire, lorsque tant de scenarios différents, de 500, 700 à 1000 euros d'allocation, s'affrontent et qu'aucun ne paraît réellement finançable sans un big bang complet de notre système économique, social et fiscal. Un versement mensuel de 1 000 euros, seul montant susceptible de garantir une véritable autonomie des individus et respecter dès lors la philosophie du dispositif, coûterait à lui seul 600 milliards d'euros, soit un chiffre similaire aux dépenses globales de protection sociale dans l'Hexagone, un système qui nous a pris des décennies à construire.

 Dès que les questions concrètes relatives à la mise en place se posent, l'utopie du revenu universel se trouve ainsi confrontée à ce triste mais inévitable concept qu'est la réalité, particulièrement celle de la France, souvent rétive à toute forme de changement aussi radical que profondément incertain.

 Rappelons ici qu'aucun pays dans le monde n'a véritablement expérimenté le revenu de base à grande échelle et ce n'est pas les 120 euros versés pendant deux ans à un millier de villageois en Namibie, ou les 144 dollars accordés mensuellement à chaque alaskien, qui pourraient tenir lieu d'exemples pour la 6e puissance mondiale, forte de ses 67 millions d'habitants. Plutôt que de tenter le diable et opter pour un saut complet vers l'inconnu, investissons le terrain des secteurs, métiers, et formes d'emploi qui, en plus d'être au cœur de l'économie de demain, ont besoin d'un soutien urgent, ferme et audacieux !

Aider les travailleurs indépendants

 Le développement impressionnant du travail indépendant, qui concerne près de 13 millions de français selon un rapport de McKinsey (octobre 2016), traduit ainsi une incontestable envie d'autonomie des actifs, qu'il faut à tout prix encourager via, par exemple, l'instauration d'un crédit d'impôt destiné aux entrepreneurs ou la mise en place de microcrédits ad hoc permettant d'encourager les initiatives.

 D'autres dispositifs d'aides en faveur de la création d'entreprises et des nouvelles formes d'emploi peuvent être aussi envisagées, preuve que les bonnes idées ne manquent pas et que les dépenses liées à un illusoire revenu universel gagneraient à être utilisées de manière adéquate et réaliste.

 Le travail n'est nullement synonyme d'aliénation, d'autant qu'il connaît une mutation spectaculaire à cette heure. Offrons donc à chacun les conditions de s'y réaliser pleinement plutôt que de poursuivre d'obscures chimères.

Guillaume Cairou

Président fondateur de Didaxis - Hiworkers

Président du Club des Entrepreneurs