Wolfgang Schäuble est-il aussi dangereux que Donald Trump ?

Par Michel Santi  |   |  532  mots
Et si Donald Trump disait la vérité ? Et qu'on en déduise que, parmi les dangers auxquels doit faire face l'Union européenne, le plus grand vienne bel et bien de l'intérieur, et d'Allemagne. Par Michel Santi, économiste.

Une fois de plus, Donald Trump n'a pas fait preuve de finesse en qualifiant les allemands de « mauvais, très mauvais », faisant référence au déficit commercial qu'entretiennent les Etats-Unis avec l'Allemagne. La relation entre ces deux pays est pourtant une des plus solides qui soit, s'étant encore resserrée ces huit dernières années à la faveur de l'excellente entente personnelle entre Merkel et Obama. L'ancien président américain était néanmoins réticent à stigmatiser ouvertement l'Allemagne, même si - lui, comme la majorité des politiques et des économistes de son pays - étaient parfaitement conscients des responsabilités allemandes dans la mièvre croissance européenne.

Partisan de l'intégration européenne et... artisan de sa désintégration ?

Car le plus grand danger auquel doit faire face l'Union européenne vient bel et bien de l'intérieur, et d'Allemagne. C'est en effet l'ayatollah de l'austérité, et gourou incontesté de la compétitivité, qui représente la menace la plus tangible et la plus immédiate pour la cohésion européenne, en la personne de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand de l'Economie. Homme politique distingué et respectable, partisan de longue date de l'intégration européenne, ayant démontré un courage et une résilience admirables suite à l'attentat (en 1990) l'ayant condamné à la chaise roulante, Schäuble risque cependant aujourd'hui de provoquer une nouvelle période d'instabilité et de turbulences au sein de l'Union.

Oublieux des responsabilités des banques allemandes dans la crise

Sa position hégémonique au sein du gouvernement du pays le plus puissant d'Europe, son intransigeance actuelle vis-à-vis de la Grèce et son obstination à lui faire expier ses péchés, ses refus catégoriques d'alléger même légèrement le fardeau des nations européennes sinistrées, risquent fort de susciter dégoût et extrémisme auprès de certaines tranches de la population européenne. Il n'a effectivement de cesse de stigmatiser les erreurs grecques, se complaît inlassablement à prescrire davantage d'austérité et de privations, détournant les yeux de l'attitude irresponsable des établissements financiers allemands dans le déclenchement de la crise européenne. Ce faisant, Schäuble se rend coupable de malhonnêteté intellectuelle tant il est manifeste que ce sont les flux massifs de capitaux allemands à destination de l'Europe périphérique (ayant pour objectif de majorer les bénéfices de ses banques) qui ont, par la même occasion, largement contribué - jusqu'à 2007 - à enfler des bulles spéculatives dans certains pays, à décourager toute tentative d'amélioration de la compétitivité dans d'autres.

Loin d'être isolé dans son pays, Schäuble est soutenu par toute une cohorte de politiciens et d'économistes doctrinaires qui ne parviennent toutefois pas à expliquer en quoi l'austérité serait bien susceptible de ramener la compétitivité dans un pays comme la Grèce ? Alors, les propos - certes maladroits, mais fondés - de Trump auront-ils un effet quelconque sur les Allemands ? Peu probable, car ceux-ci sont très satisfaits de leurs excédents commerciaux envers les Etats-Unis et envers le reste des pays de l'Union européenne.