Des green bonds pour financer le Grand Paris Express

Par Gabrielle Thin  |   |  842  mots
Les travaux du Grand Paris Express, le plus grand projet d’infrastructure et d’aménagement d’Europe, vont coûter plus cher que prévu et durer plus longtemps. (Crédits : DR)
La Société du Grand Paris a décidé d'émettre des obligations vertes pour financer un Grand Paris Express dont le budget n'en finit pas de grimper. Le programme, validé par l'autorité des marchés financiers, marque le premier recours aux marchés pour cet ambitieux projet d'infrastructures.

Quelques mois après la revue à la hausse du budget pour le Grand Paris Express, la Société du Grand Paris (SGP) court toujours après les financements. Pour faire face à un budget prévisionnel de 38,5 milliards d'euros, soit une dérive de 50% par rapport au chiffrage initial, le recours direct au marché par voie obligataire est désormais envisagé.

Ce projet, le plus grand important d'Europe en termes d'infrastructure et d'aménagement  avec 200 kilomètres de réseau, prévoit la création de quatre nouvelles lignes autour de Paris, le prolongement de deux lignes existantes (les lignes 11 et 14), la construction de 68 gares et l'aménagement de nouveaux quartiers autour de celles-ci.

Les financements du Grand Paris Express proviendront principalement de taxes affectées par l'Etat: une composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, la taxe spéciale d'équipement et une fraction de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces de stationnement. Elles représentent un total de plus de 500 millions d'euros par an. Mais, face à un projet d'une telle ampleur, la SGP a cherché à diversifier ses ressources: elle a ainsi annoncé fin juillet l'émission de green bonds, ou obligations vertes, un programme qui pourrait atteindre 5 milliards d'euros in fine.

La SGP a décidé d'adopter un programme "Euro Medium Term Note" (EMTN), qui correspond à des créances à mi-chemin entre un billet de trésorerie et une obligation à long terme, caractérisées par ailleurs par leur grande flexibilité et permettant notamment d'emprunter sur le marché rapidement, dès que cela s'avère nécessaire. Les obligations seraient 100% vertes, émises sur les marchés pour financer un projet considéré comme contribuant à la transition écologique. La société s'engage à communiquer sur les avancements et les bénéfices de l'investissement, en détaillant son usage précis.

« Projet emblématique de la mobilisation des acteurs publics de la métropole parisienne pour une mobilité durable, le Grand Paris Express est au cœur des enjeux de la transition écologique et énergétique, de mobilité durable, d'emploi et de développement territorial », justifie le communiqué.

Le premier recours au marché de la Société du Grand Paris

Le programme ENTM, soumis à l'Autorité des marchés financiers le 19 juillet, qui s'y est montrée favorable, délimite un cadre sans pour autant en donner le calendrier. Les premières obligations vertes devraient vraisemblablement être émises entre fin septembre et la fin de l'année.

Après une longue phase de concertation depuis 2010, l'entrée dans la phase des travaux, avec la mise en action récente de tunneliers sur la ligne 15 pour creuser de nouvelles galeries, requiert une adaptation financière, les taxes ne suffisant plus. La société, primo-émettrice, souhaite désormais établir une courbe de crédit  pour venir régulièrement et fréquemment - avec un volume d'émission pouvant aller jusqu'à 3 milliards par an - sur les marchés et faire appel à différentes bases d'investisseurs, à court-terme (de 3 à 7 ans), moyen-terme (de 7 à 15 ans, intéressant les asset managers et les assureurs par exemple) mais aussi en s'appuyant sur la partie longue de la courbe, avec des échéances de 30 ans et plus.

 La France, premier émetteur européen de green bonds

L'émission d'une telle obligation verte confirme la première place européenne de la France dans ce domaine, avec plus de 37 milliards d'euros de green bonds cumulés depuis 2012. Plus de 87 milliards de dollars ont été émis en obligations vertes souveraines au niveau mondial depuis le début de l'année, un chiffre en progression puisque les prévisions tablent sur 250 milliards pour 2018 contre 130 en 2017. Une étude de Moody's de juillet dernier prévoit en effet une réelle « accélération » des émissions souveraines qui intéressent de plus en plus les investisseurs, puisqu'elles «permettent aux investisseurs de diversifier leurs expositions». Six fonds souverains, de la Norvège à l'Arabie Saoudite, ont d'ailleurs annoncé l'émission de nouvelles obligations environnementales il y a un mois.

« Faisant écho aux engagements de la France en matière d'environnement, ce programme contribue à asseoir Paris comme place de référence pour la finance verte », se félicite la Société du Grand Paris.

Si le bâtiment représente plus d'un tiers des financements verts de l'Etat, le secteur des transports s'y prête aussi de plus en plus. En effet, en juin 2017 la RATP a émis pour la première fois une obligation verte de 500 millions d'euros en vue du renouvellement des voitures du RER A et de l'automatisation de la ligne 4, pour, d'après son communiqué, « être un acteur majeur de la mobilité durable et de la ville durable, réduire son empreinte environnementale, affirmer sa responsabilité sociale et sociétale ». Le mois suivant, une obligation verte de 750 millions d'euros était émise par la SNCF Réseau pour une durée inédite de 30 ans, la plus longue réalisée jusqu'alors, portant à 2,65 milliards d'euros le montant levé depuis octobre 2016 par la société ferroviaire.