LA TRIBUNE - Quelle a été l'étape la plus cruciale de votre parcours ?
PIERRE MESTRE - Un cap important a été franchi en 2003, avec l'ouverture du premier magasin grand format (environ 450 m2) de périphérie. L'étape suivante, en 2012,
a été l'ouverture de mégastores, dont le premier, d'une surface de 3 000 m2, près de Montpellier. Depuis, nous en avons ouvert dix autres.
Le plus récent, inauguré le 29 août à Bruxelles, est le plus grand magasin d'Europe (5.000 m2) sur notre cœur de métier. Mais il correspond aussi à une ambition nouvelle : devenir une sorte de Décathlon pour enfants, en regroupant sur un même site
une offre en vêtements, chaussures, et jouets, sans oublier les vêtements pour femmes enceintes.
LT - En quoi avez-vous innové ?
PM - En 2000, l'acquisition du réseau suisse Babycare marquait notre première diversification sur la puériculture. Elle nous a permis de fidéliser la femme enceinte dans l'équipement complet du bébé de 9 mois à 9 ans.
Cette opération nous a donc aidés à créer une synergie entre deux métiers qui ont toujours été séparés, le vêtement et la puériculture : une véritable innovation sur le marché français. En outre, nous avons évolué d'un système en succursales multi-marques vers une organisation en franchises et commissionnaires affiliés, où Orchestra est responsable des flux, du portage et des risques financiers et d'invendus.
LT - Est-il facile, en France, d'atteindre un tel périmètre ?
PM - L'importance du marché est un point déterminant car la taille des magasins
est corrélée à la zone de chalandise. Il est plus aisé d'ouvrir des formats de 3 000 m2 sur un territoire comme l'Allemagne, qui compte 80 millions d'habitants, là où la France en a 65 millions. D'où l'importance du foncier. J'ai regretté publiquement qu'un groupe tel qu'Orchestra ne puisse pas trouver plus facilement des terrains pour construire, en Région, des plates-formes logistiques de 50 000 m2, comme celle que nous avons en projet.
Depuis, je constate que les collectivités territoriales font le nécessaire pour nous garder chez elles. C'est un tout : pour que les entreprises se développent, il faut
un contexte fiscal, réglementaire, sociétal et psychologique adapté. Il faut arrêter
de les matraquer fiscalement ou de dire qu'on déteste les riches.
Sinon, l'ambition, l'envie de se dépasser disparaissent, et certains chefs d'entreprise sont tentés de faire une opération patrimoniale en revendant leur affaire et en empochant 30 ou 40 million d'euros. Moi, je continue, car c'est la passion qui m'anime. Cela m'amuse. Mais créer une ambition dynastique à travers une entreprise reste difficile.