Anne Lauvergeon : « Sigfox est le Twitter des objets connectés »

Par Propos recueillis par Delphine Cuny  |   |  562  mots
"Nous sommes tous les deux un peu rebelles" estime Ludovic Le Moan, qui qualifie sa rencontre avec Anne Lauvergon d'improbable.
La startup toulousaine, qui déploie un réseau bas débit pour l’Internet des objets, a convaincu ses actionnaires historiques mais aussi des industriels tels que GDF Suez, Air Liquide, Eutelsat et les opérateurs Telefonica, SK Telekom et NTT Docomo, d'investir 81 millions d’euros dans son développement. Un tour de table initial qui pourra se compléter jusqu'à 100 millions dans les mois à venir. L’ex-patronne d’Areva, qui préside le conseil d’administration de Sigfox depuis avril dernier, a joué un rôle déterminant dans cette levée de fonds record pour une startup française. Elle raconte les coulisses de l’opération.

La Tribune. Comment avez-vous "pitché" et convaincu les investisseurs ?

Anne Lauvergeon. Nous avons pitché les investisseurs avec un business plan solide et une présentation montrant la technologie totalement innovante de Sigfox. Nous ne le disons pas officiellement mais nous présentons Sigfox comme "le Twitter des objets connectés". Notre réseau permet d'envoyer à bas débit des messages courts mais qui veulent dire beaucoup de choses ! Les followers seront peut-être les objets eux-mêmes.

Le pari que nous faisons est que nous entrons dans l'ère où nous connecterons les humains avec les objets et les objets entre eux, alors que les décennies précédentes ont servi à connecter les humains entre eux. Nous faisons le pari du temps en proposant une solution low-cost, dix fois moins chère que celle d'un opérateur mobile, ce qui va faire décoller le marché beaucoup plus vite. C'est une approche assez révolutionnaire.

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Pourquoi ce tour de table allie-t-il financiers et industriels ?

Nous avons tenu 56 réunions avec des investisseurs différents, sans compter les nombreuses conférences téléphoniques. Lorsque nous approchions de ce nœud stratégique d'opérateurs télécoms et d'industriels, il a fallu faire des choix, qui soient partagés par toutes les parties prenantes, dégager un consensus entre les investisseurs, car nous ne pouvions pas garder tout le monde. Cette augmentation de capital a été décidée à l'unanimité.

Nous avions la possibilité de lever plus de 130 millions d'euros, notre opération était largement sur-souscrite. Nous avons préféré clore d'abord un tour de table initial de 81 millions d'euros et décidé de nous laisser la possibilité de faire rentrer, dans les mois à venir, d'autres investisseurs, industriels, opérateurs télécoms, financiers, nous serons pragmatiques.

Les actionnaires historiques ont souscrit la plus grande part de l'augmentation de capital. La présence des industriels donne une dimension stratégique à cette levée de fonds. Il n'y a pas d'élément d'exclusivité qui nous empêche de travailler avec d'autres acteurs du secteur.

Cette augmentation de capital va nous permettre de déployer plus vite aux États-Unis notamment, qui sont incontournables dans le marché des objets connectés. Nous visons une couverture mondiale, d'où l'intérêt de travailler avec l'industrie spatiale [Eutelsat].

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Vous avez ouvert beaucoup de portes à Sigfox, selon Ludovic Le Moan, qui qualifie votre rencontre d'improbable. Quel est votre rôle chez Sigfox ?

Nous nous sommes rencontrés aux États-Unis [lors de la visite de François Hollande avec une délégation d'entrepreneurs il y a un an, Ndlr], je me suis dit "si ce qu'il raconte est vrai, c'est formidable !" J'ai ensuite rencontré Christophe Fourtet, le directeur scientifique, et j'ai été convaincue.

Ludovic est quelqu'un d'exceptionnel et de simple. C'est un Pdg qui a proposé de devenir DG et que je sois présidente -en général, les DG veulent plutôt devenir Pdg ! Nous n'avons pas établi de répartition des rôles précise. Je préside le conseil et je me charge des relations investisseurs, nous conduisons la stratégie et le marketing ensemble. Je suis passionnée d'innovation depuis toujours...