Dassault Systèmes claque la porte du "cloud à la française"

Par Sandrine Cassini  |   |  754  mots
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Bernard Charlès, le patron de Dassault Systèmes, a écrit à René Ricol, le commissaire général à l'investissement, pour lui dire qu'il se retirait définitivement d'Andromède, le projet de "cloud à la française" qui doit être soutenu par le Grand Emprunt. Son partenaire, SFR, va chercher un autre allié. En attendant, le projet concurrent porté par Orange et Thalès, devrait recevoir un avis favorable pour son financement.

Dassault Systèmes a mis un point final à son aventure dans « le cloud à la française ». De sources concordantes, Bernard Charlès, le PDG de l'éditeur de logiciels, a écrit en début de semaine au commissaire général à l'investissement René Ricol, au patron de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) Antoine Gosset-Grainville et à Jean-Bernard Lévy, le patron de SFR et de Vivendi, pour leur faire part de sa décision de se retirer définitivement du projet, exprimant son regret de ne pas avoir su convaincre le Commissariat général à l'investissement (CGI) de répondre à ses exigences.

Dassault Systèmes s'est porté avec SFR candidat à Andromède, le « cloud à la française », que le Grand Emprunt souhaite financer et qui doit doter la France d'une infrastructure de cloud sécurisée (informatique dématérialisée), capable d'héberger des données sensibles. Problème : le CGI et la CDC ont proposé d'injecter de l'argent dans les deux projets en lice, celui de Dassault Systèmes et celui porté par Orange et Thalès. Confirmant ces informations, Bernard Charlès justifie ce retrait: « Nous sommes très heureux d'avoir soutenu avec notre partenaire Vivendi ce projet d'intérêt général pour la France, mais Dassault Systèmes n'entend pas investir 75 millions d'euros dans un projet où l'un des actionnaires (l'Etat, ndlr) est actionnaire à part égale d'une structure concurrente. Étant à l'origine du projet Andromède, nous avions clairement exprimé les conditions de réussite : concentration stratégique, compétitivité structurelle, plateforme ouverte à des partenaires, en ayant enfin la capacité d' ouverture à des alliances Européennes. Ces conditions ne sont pas réunies à ce jour. »

Voyant les pouvoirs publics s'acheminer vers cette solution, Bernard Charlès, menant ses menaces à exécution, a voulu prendre les devants en mettant un terme à sa candidature, sans attendre la décision finale de René Ricol, et l'arbitrage de François Fillon. De fait, selon nos informations, la lettre de Dassault Systèmes est arrivée au CGI avant les recommandations du Comité d'investissement indépendant, qui s'était réuni  vendredi 30 mars pour choisir et noter les projets. De bonne source, d'après les dépouillements effectués au CGI, les deux Andromède, Dassault-SFR et Orange-Thalès, sont finalement arrivés à égalité. Du coup, si Dassault Systèmes ne s'était pas désisté, René Ricol aurait donc dû recommander les deux solutions de cloud à François Fillon. L'enveloppe initiale prévue par le Grand Emprunt était de 135 millions d'euros, mais le CGI avait prévu de l'ajuster au regard des besoins. De fait, les deux tandem demandaient chacun 75 millions d'euros de financement public, soit un total de 150 millions.

René Ricol va recommander le financement d'Orange-Thales

Face au désistement de Dassault Systèmes, le commissaire général à l'investissement René Ricol va recommander dans un premier temps l'Andromède d'Orange-Thalès. Selon nos informations, Jean-Bernard Lévy lui a écrit pour l'informer que SFR était toujours candidat, et qu'il cherchait un autre partenaire. Pour obtenir son financement, l'opérateur devra repasser devant le Comité d'investissement.

Dassault Systèmes claque la porte une deuxième fois

Pour Dassault Systèmes, c'est la fin d'une aventure de plus de deux ans, qu'il avait pourtant pilotée. A l'origine, l'Etat ne devait financer qu'un seul projet cloud. Pendant deux ans, Dassault Systèmes a donc travaillé à la composition d'un consortium au côté d'Orange et de Thalès. Mais en décembre, en raison de mésententes avec Stéphane Richard, le PDG d'Orange, sur la gouvernance de l'entité, les clauses de non concurrence, et les conditions tarifaires, Bernard Charlès a claqué une première fois la porte du projet, créant de facto une remise à cause totale des vélléités « cloud » gouvernementales.

Orange restant dans la course au côté de Thalès, Bernard Charlès avait ensuite beaucoup milité pour qu'un seul projet soit sélectionné: le sien. Le groupe a tenté de démontrer par qu'il n'y avait pas forcément la place pour deux,  qu'une double concurrence créerait des pressions sur les prix, et retarderait le retour sur investissement. A la mi-mars, l'ancien PDG de SFR, Frank Esser, avait lui-même souhaité qu'il n'y ait qu'un seul financement. Mais les pouvoirs publics en ont décidé autrement. Les défenseurs de cette solution avancent qu'il s'agit là d'un moyen de créer de la concurrence pour que le marché décolle plus rapidement.