Conditions de travail à La Poste : des experts tirent la sonnette d'alarme

Par latribune.fr  |   |  562  mots
Les cabinets fustigent les "réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées", du "courrier au colis, du réseau à la banque"
Dans une lettre ouverte, huit cabinets d’experts évoquent une "aggravation de la pénibilité physique", des "cas de suicides", des "situations de détresse individuelle", de "fréquents conflits ouverts entre agents" et "un climat social délétère" au sein du groupe.

À les entendre, rien ne va plus. Huit cabinets réalisant des expertises pour le compte des CHSCT de La Poste ont adressé une lettre ouverte au président du groupe, Philippe Wahl, pour "sonner l'alarme" sur la dégradation des conditions de travail et de la santé des agents et le "mépris du dialogue social", a-t-on appris de sources concordantes. Dans cette lettre datée de jeudi, dont l'AFP a eu copie, ces cabinets d'experts (Aptéis, Aristée, Cedaet, Eretra, Ergonomnia, Indigo Ergonomie, Social Conseil, Odyssée) dénoncent "la dégradation des conditions de travail et le mépris du dialogue social manifesté dans les différents secteurs et aux différentes échelles du groupe", parlant d'une "situation préoccupante du fait de la rapide dégradation de l'état de santé des agents".

Ils évoquent une "aggravation de la pénibilité physique", des "cas de suicides", des "situations de détresse individuelle", de "fréquents conflits ouverts entre agents" et "un climat social délétère". En cause, selon eux, les "réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées", du "courrier au colis, du réseau à la banque", malgré les "recommandations du rapport Kaspar de 2012", après le suicide de deux cadres.

Pour prescrire le travail, affirment encore ces experts, "les directions de proximité doivent s'appuyer sur des "modélisations statistiques" ne correspondant pas à la réalité du terrain, "qu'elles-mêmes ne savent pas expliquer". Interrogé par l'AFP, l'un d'entre eux, Nicolas Spire, évoque des "logiciels qui calculent tout à la minute près, sans rapport avec la réalité des tournées des facteurs", qu'il accompagne régulièrement, "une pression permanente, des réprimandes, humiliations".

"Une organisation du travail qui s'est emballée"

Il décrit "une organisation du travail qui s'est emballée dans ses modes de réorganisation et d'encadrement", parle de "situation proche du cataclysme" qu'il compare à la crise sociale de France Telecom en 2008-2009, touchée par une vague de suicides. M. Spire se refuse cependant à avancer des chiffres précis sur les cas de suicide, qui restent pour lui la "pointe de l'iceberg", mais il évoque "un taux d'absence en pleine recrudescence, des maladies et des départs". Les experts accusent aussi la direction de La Poste de refuser le dialogue social, ce qui se traduit par "des grèves dans de nombreux sites", et de faire entrave aux CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et conditions de travail) qui commanditent enquêtes et expertises et "constituent quasiment le seul contre-pouvoir institutionnel".

Interrogée par l'AFP, La Poste dit avoir pris connaissance de cette la lettre "avec beaucoup de sérieux" et vouloir proposer "dès la semaine prochaine" de rencontrer les experts. "La politique de La Poste est de contribuer à la bonne réalisation des expertises votées par les CHSCT et de tenir compte de leurs conclusions", ajoute-t-elle, disant compter "748 CHSCT qui ont demandé la réalisation de 66 expertises en 2015 sur tout le territoire (il y en avait 103 en 2013)".

"Sur les huit cabinets d'expertise signataires de la lettre rendue publique ce jour, quatre d'entre eux n'ont réalisé aucune expertise à La Poste en 2015. Les 4 autres ont réalisé 10 expertises locales à La Poste en 2015", conclut-elle.

(avec AFP)