Informatique : tempête dans le "cloud à la française"

Par Sandrine Cassini  |   |  741  mots
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Dassault Systèmes, associé à SFR, menace de se retirer du projet si le Grand Emprunt finance également celui d'Orange. Le Premier ministre prendra sa décision cette semaine. Dassault Systèmes avait déjà provoqué un "clash" en décembre dernier.

Le "cloud computing à la française", le projet baptisé Andromède qui doit être financé par le Grand Emprunt, vit un nouveau psychodrame. Deux projets sont toujours en lice pour obtenir l'enveloppe initiale de 135 million d'euros qui pourrait d'ailleurs être augmentée: l'un regroupant Orange et Thalès, l'autre, Dassault Systèmes et SFR.  Vendredi, le comité d'investissement du Fonds pour la société numérique (FSN) s'est réuni pour examiner les deux copies. Il rendra ses conclusions lundi au commissaire général à l'investissement (CGI), René Ricol, qui a ensuite la possibilité de choisir zéro, un, ou deux projets. Ce dernier présentera ensuite ses recommandations au Premier ministre, François Fillon, qui rendra une décision finale en fin de semaine.

L'instransigeance de Dassault Systèmes a rendu furieux son partenaire SFR

L'idée, à priori exclue, de financer deux projets a fait son chemin ces dernières semaines. Ainsi, selon nos informations, c'est la principale recommandation qui va ressortir du comité d'investissement. Cette éventualité ne réjouit pas Dassault Systèmes qui milite depuis le départ - y compris à l'Elysée - pour que le Grand Emprunt ne fasse éclore qu'un seul «cloud à la française», en l'occurrence le sien. Son directeur général, Bernard Charlès, a brandi la menace d'un retrait si Orange recevait également un financement. De sources concordantes, ces derniers jours, apprenant que l'on s'acheminait vers une double sélection, où chacun des projets seraient financés à égalité par l'Etat, il est remonté au créneau et a fait part aux uns et autres de sa décision de claquer une nouvelle fois la porte du "cloud à la française". Ce week-end, cette position a rendu furieux son partenaire, Jean-Bernard Lévy, président du directoire de Vivendi et nouveau patron de SFR, qui avait compris que Dassault Systèmes resterait dans l'aventure, quelle que soit le choix fait par l'Etat.

Orange-Thalès tiendrait la corde

Que va-t-il se passer? Ce lundi, René Ricol et ses équipes prendront connaissance des conclusions détaillées du comité d'investissement, et sauront comment chaque projet a été évalué. Première hypothèse: les deux tandems sont notés à égalité, et dans ce cas là, le CGI recommandera un double financement, quitte à ce que l'ou au l'autre y renonce. Seconde hypothèse: le comité donne une priorité à l'un des deux projets. René Ricol peut bien sûr suivre cet avis mais aussi choisir de soutenir les deux. De bonne source, le scénario qui circulait ce week-end plaçait le tandem Orange-Thales devant Dassault Systèmes-SFR. Bernard Charlès ira-t-il jusqu'au bout de ses menaces, ou reviendra à de meilleures dispositions? Interrogés, Dassault Systèmes ne nous a pas répondu, tandis que SFR ne faisait pas de commentaires.

500 millions de chiffre d'affaires en 2016

Il y a quelques semaines, Dassault Systèmes avait fait la démonstration chiffrée devant les responsables du Grand Emprunt et son bras armé la Caisse des dépôts et consignations (CDC) que deux "cloud à la française" créeraient une pression sur les prix et retarderaient de deux ans la rentabilité de la structure. Ainsi, s'il était choisi tout seul, Andromède, version Dassault Systèmes/SFR, pourrait  générer 500 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016 et un résultat opérationnel d'une soixantaine de millions d'euros. Les revenus atteindraient quasiment un milliard en 2021, avec un retour sur investissement dès 2020.
S'il se retrouvait en concurrence avec Orange/Thales, le chiffre d'affaires ne serait plus que de 400 millions d'euros en 2016, le résultat opérationnel d'une trentaine de millions d'euros, tandis que le retour sur investissement serait retardé de deux ans. En effet, Dassault Systèmes prenait pour hypothèse que l'Etat privilégierait les services de cloud d'Orange, dans laquelle il a encore une participation de 27%.

Une première alliance a déjà échoué

A l'origine pourtant, il ne devait y avoir qu'un seul projet de "cloud computing" financé par l'Etat, et au sein duquel Dassault Systèmes était associé à Orange et à Thales. Mais en décembre, en raison de mésententes sur les modalités et la gouvernance du consortium, l'éditeur de logiciels a rompu l'accord avec l'opérateur télécoms. Pour justifier la pertinence d'un dispositif prévoyant deux projets de cloud sur le territoire, ses défenseurs assurent qu'une concurrence serait saine pour faire décoller le marché des solutions tricolores.