Numérique : la lente mise en route du grand emprunt

L'Etat a prévu d'investir 2,25 milliards d'euros dans le développement du numérique, sous forme de subvention ou de prise de participation. Mais l'enveloppe a été redéployée en raison de l'insuffisance de grands projets. Dans le "cloud computing", Orange est en discussions avec Atos. Dans la numérisation des films, l'Etat va financer la restauration des films de Gaumont.
Copyright Reuters

Sur le papier, et dans l'enveloppe, il y a de quoi faire éclore le fameux Google à la française. Sur les 35 milliards d'euros du Grand emprunt - rebaptisé Investissements d'avenir - pas moins de 4,25 milliards d'euros doivent être consacrés au numérique, dont 2 milliards d'euros dans le développement des réseaux très haut débit. Les 2,25 milliards restant sont, que ce soit sous forme de subvention publique ou de prise de participation, destinés à favoriser le développement des nouveaux usages. Mais quatre ans après le coup d'envoi donné par Nicolas Sarkozy à ce vaste programme, la machine publique s'active lentement, et des ajustements ont dû être menés.

La stratégie de prises de participation de l'Etat revue à la baisse

A l'origine, 1,4 milliard d'euros devait être investi sous forme de fonds propres ou quasi fonds propres dans des entreprises privées ou des institutions publiques. Depuis, cette enveloppe a été amputée de 650 millions d'euros. Première coupe, deux cents millions d'euros ont été transférés vers le Fonds national d'amorçage (FNA), désormais doté de 600 millions d'euros, et dont 400 à 450 millions devraient revenir au numérique. Pour le moment, le FNA a annoncé un seul investissement de 15 millions d'euros dans l'Inserm. Plus récemment, René Ricol, à la tête du Commissariat général à l'investissement (CGI), qui gère les investissements d'avenir, a décidé de transférer 450 millions d'euros vers la nouvelle « Banque de l'industrie », nouvelle filiale d'Oseo, dotée d'un milliard d'euros de fonds propres, et qui n'est pas forcément dédiée au numérique. « J'avais le sentiment qu'il n'y avait pas suffisamment de grands projets à financer. Ils sont en général portés par des mastodontes qui ont les moyens. Je pense qu'entre l'amorçage et le fonds FSN PME [de 400 millions d'euros], j'ai assez pour financer les start up. Avec la banque de l'industrie, et un milliard d'euros de fonds propres, je peux prêter 12 milliards d'euros», explique à la Tribune le commissaire général. 

Cloud à la française : Orange en discussions avec Atos

Il est vrai que les grands projets industriels n'ont pas afflué depuis l'annonce du grand emprunt. Le « cloud à la française », qui devaient réunir à l'origine Dassault Systèmes, France Télécom et Thalès, et dans lequel l'Etat devait investir 135 millions d'euros, est le seul connu. Las, après deux ans de négociation, Dassault Systèmes, en désaccord avec Orange,  a claqué la porte du consortium. Depuis, la CDC instruit deux dossiers concurrents. Dassault Systèmes a remplacé Orange par SFR. Il propose à l'Etat un projet de 225 millions d'euros, dans lequel chaque partie investirait 75 millions d'euros, et aurait un tiers du capital. En parallèle, Dassault Systèmes, épaulé par l'Association française des éditeurs de logiciels,  présidée par Bernard Charlès, à la tête de l'éditeur, et qui a publié une tribune pour défendre le projet, a fortement milité auprès du gouvernement pour qu'un seul projet soit sélectionné - le sien - , afin de ne diviser ni les fonds publics ni les recettes potentielles. Selon nos informations, l'éditeurs de logiciel, accompagné de SFR, est allé sonner à la porte de Xavier Musca, le secrétaire général de l'Elysée, pour porter la bonne parole. Il a aussi laissé entendre qu'il se retirerait si les deux projets étaient financés.

Autre dossier à l'étude, celui d'Orange, toujours associé à Thalès (dont Dassault Aviation possède 20% du capital). Selon nos informations, l'opérateur mobile est actuellement en discussions pour faire entrer Atos au sein du futur consortium.

Les candidats espèrent une décision ces prochains jours. Actuellement, selon nos informations, tous les scénarios sont à l'étude. Qu'il s'agisse de financer zéro, un ou deux projets. L'Etat pourrait même - si besoin - accroître l'enveloppe initiale de 135 millions d'euros s'il le fallait. La décision finale est dans les mains du premier ministre.

Numérisation des films : un accord quasi bouclé avec Gaumont

Autre chantier de l'Etat, la culture. Un an après l'accord-cadre annoncé à Cannes en mai 2011 par Frédéric Mitterrand sur la numérisation des films, Gaumont a quasi bouclé avec la CDC et le CGI un accord pour restaurer près de 270 films. Montant de l'opération: 15 millions d'euros, selon nos informations, dont 10 millions d'euros seront investis par l'Etat et 5 millions par Gaumont. Dans la mesure où l'Etat ne subventionne pas ces sommes, mais agit en tant « qu'investisseur avisé », Gaumont devra rembourser les sommes injectées. De bonne source, le studio a plus de douze ans pour le faire, une échéance supérieure à celle prévue dans l'accord cadre de Cannes, qui est de 10 ans. D'autres accords pourraient suivre. Des discussions sont actuellement en cours avec Pathé.

En parallèle, Frédéric Mitterrand et René Ricol avaient annoncé en décembre leur volonté d'accompagner des projets publics financés par l'INA, la BNF et le Centre Georges Pompidou. Là aussi, l'idée est d'avoir un retour sur investissement. L'enveloppe totale porte sur 25 millions d'euros.

Le FSN PME a encore du mal à attirer les projets

L'Etat a prévu d'injecter 400 millions d'euros dans les start up. Officiellement, le FSN PME a été créé fin 2011. Très peu de dossiers ont été sélectionnés. Et l'Etat n'a pris à ce jour aucun engagement financier. Cela devrait être fait sous peu. Le CGI, qui aimerait recevoir un plus grand nombre de dossiers de qualité, assure devoir mieux faire connaître le dispositif. Le mécanisme est d'autant plus difficile à appréhender pour les candidats dans la mesure où l'Etat n'a pas qualité à devenir majoritaire mais doit rester un accompagnateur, avec d'une participation maximale d'un tiers du capital.

Subventions : 380 millions d'euros engagés, une trentaine décaissée

Une enveloppe de 850 millions d'euros de subvention, pour les projets qui n'ont pas de modèle économique immédiat, doit également être dépensée. Une première vague de 70 projets a été sélectionnée et 380 millions d'euros a été engagée. Concrètement, une trentaine de millions d'euros seulement a été effectivement décaissée. Une deuxième vague est en cours de sélection, sur laquelle l'Etat devrait engager entre 250 et 300 millions d'euros.

Très haut débit: les opérateurs ne se bousculent pas pour emprunter à l'Etat

Dernier volet, le financement des réseaux très haut débit. Les collectivités locales peuvent compter sur un milliard d'euros d'argent public. Pour le moment, l'Auvergne s'est assuré un soutien de 35,5 millions d'euros et la Manche de 18,5 millions d'euros. L'argent n'est pas déblqué a priori mais à partir du moment où elles en ont effectivement besoin. En revanche, les opérateurs télécoms, qui sont censés pouvoir compter sur 1 milliard d'euros de prêt, ne se sont pas bousculer pour réclamer de l'argent public. Les opérateurs déposeront en avril les premiers dossiers de prêts sur une première tranche de 300 millions d'euros. Les financements ne seront pas accordés avant l'été.
 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 15/03/2012 à 7:42
Signaler
ya pas vraiment de problème de dettes, enfin pas pour tout le monde

à écrit le 14/03/2012 à 17:53
Signaler
Difficile de voir dans quoi investir ,à part de bien meilleures formations en lycée et universités ,et même plus tôt au collège ,un gamin en fin de troisième devrait être capable d'ouvrir un terminal pour une petite application ou créer un gif animé...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.