Un réseau social pour enfants accusé de pédophilie perd ses investisseurs

Par Delphine Cuny  |   |  536  mots
Habbo Hotel est un jeu de réalité virtuelle très prisé des adolescents. DR
Les fonds 3i et Balderton sont sortis du capital de la société finlandaise Sulake après une enquête de la chaîne Channel 4 montrant que le jeu de réalité virtuelle destiné aux adolescents Habbo, aux 268 millions d'inscrits, était un repaire de pédophiles

Connaissez-vous Habbo ? Vos enfants y jouent peut-être pour se faire des amis et tchatter en ligne dans un hôtel virtuel. C'est la plus grande communauté virtuelle pour adolescents, déclinée en onze langues : plus de 268 millions de profils inscrits avec leur avatar dans 150 pays et 9 millions de visiteurs uniques par mois. Or ce jeu de réalité virtuelle, destiné officiellement aux 13-18 ans, serait en fait un repaire de pédophiles, selon une enquête approfondie de journalistes de Channel 4 News diffusée lundi.

Depuis que le scandale a éclaté, plusieurs distributeurs, tels que Tesco et WH Smith, ont cessé de commercialiser les cartes prépayées de crédits Habbo et les principaux investisseurs de la société finlandaise Sulake qui a conçu le jeu, viennent de sortir du capital. Notamment le célèbre fonds d'investissement britannique 3i et Balderton Capital, qui compte notamment parmi ses associés Bernard Liautaud, le fondateur de Business Objects et a investi dans le réseau social Bebo et le numéro un européen des jeux sur réseaux sociaux, l'allemand Wooga. 

Les fonds 3i et Balderton Capital renoncent à leurs participations

« Quelqu'un veut faire du sexe par webcam ? » Ce message on ne peut plus explicite s'affiche au milieu du jeu Habbo pendant le reportage de Channel 4. « Inscris-toi c'est gratuit ! Des milliers de nouveaux amis t'y attendent ! » promet le site Habbo en français. En réalité, le site est fermé : le directeur général, Paul LaFontaine, a supprimé mercredi la fonction de conversation en direct. Trop tard pour le fonds Balderton : jugeant que la société tardait à réagir à des accusations aussi graves mettant en jeu la sécurité des enfants, il s'est débarrassé de ses 13,5% du capital, sans récupérer sa mise, et a déprécié à zéro la totalité de la valeur de son investissement de plusieurs millions d'euros. Mercredi, le fonds 3i, qui avait réaffirmé son soutien la veille, lui a finalement emboîté le pas, renonçant à sa participation de 16%. « Nous employons plus de 225 personnes chargées de la modération du site et nous suivons 70 millions de conversations chaque jour, 24h sur 24 » a plaidé le directeur général sur le blog de Habbo. Sulake assure qu'elle s'emploie à rétablir au plus vite le service en garantissant dans des conditions d'utilisation sans risque pour ses jeunes membres.
 

Un risque pour la réputation des réseaux sociaux

La journaliste de la chaîne, Rachel Seifert, qui s'est fait passer pendant deux mois sur le site pour une très jeune fille de 11 ans, raconte qu'on lui a demandé de se déshabiller devant sa webcam, de discuter en direct sur Skype ou Msn et adressé des invitations sexuelles très explicites. Des adultes se font passer pour des enfants et l'enquête a trouvé deux cas récents au Royaume-Uni de pédophiles reconnus coupables d'abus sexuels sur une douzaine d'enfants qu'ils avaient rencontrés sur Habbo. Cette affaire met en lumière le risque de réputation et la fragilité inhérente aux réseaux sociaux dont l'audience peut s'effondrer en cas de scandale ou de protection insuffisante des données personnelles.