Bras de fer entre l'Hadopi et le gouvernement

Par Sandrine Cassini  |   |  608  mots
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Bras de fer entre la ministre de la Culture et l'Hadopi. Aurélie Filippetti veut couper les vivres de l'institution pour l'empêcher de fonctionner. La président de la commission de protection des droits de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, l'en dissuade, lui rappelant qu'elle dirige une autorité indépendante, "en particulier du gouvernement".

Le ton est poli, voire policé. Il n'empêche. Le bras de fer a commencé entre le gouvernement et l'Hadopi, amenée à évoluer, dans le cadre de la mission menée par Pierre Lescure. Si ce dernier a indiqué au micro de BFM Business qu'il ne fallait pas "supprimer Hadopi", Aurélie Filippetti s'est récemment livrée à une attaque en règle contre l'institution. "L'Hadopi n'a pas rempli sa mission de développement de l'offre légale. Sur le plan financier, 12 millions d'euros annuels et 60 agents, c'est cher pour envoyer un million d'e-mails. Enfin, la suspension de l'accès à Internet me semble une sanction disproportionnée face au but recherché", a déclaré la ministre de la Culture et de la Communication au "Nouvel Observateur" le 1er août. Avant une éventuelle nouvelle loi qui viendrait amender ou supprimer l'institution existante, la ministre a donné un premier coup de canif. "Je vais demander que les crédits de fonctionnement de l'Hadopi soient largement réduits pour l'année 2012". Un mois après cette déclaration, le ministère de la Culture confirme que la baisse du budget sera "significative".

La contre-offensive de l'Hadopi

Face à cette offensive, la présidente de la commission de protection des droits de l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, est restée stoïque. Bien évidemment, l'institution "participera à l'effort de baisse de crédit", a-t-elle assuré. Pas question pour autant d'aller trop loin. La conseillère d'Etat a mis en garde le gouvernement. "Une autorité indépendante, c'est indépendant, en particulier du gouvernement. Il ne peut donc pas la supprimer par décret, et il ne peut non plus la priver de tout moyen de fonctionnement. Sinon cela pose question sur la séparation des pouvoirs [entre législatif et exécutif]», a-t-elle affirmé. Autrement dit, un gouvernement ne peut empêcher une autorité de remplir une mission créée dans le cadre d'une loi votée par le parlement en lui coupant les vivres. La conseillère d'Etat a rappelé deux épisodes de la vie publique. En 1981, pour supprimer la peine de mort sans changer la loi, le gouvernement avait - en vain - tenté de supprimer le budget du bourreau. Plus récemment, Nicolas Sarkozy a voulu faire disparaître, toujours de la même manière, la Commission nationale de Déontologie de la sécurité, qui surveille police, gendarmerie, et tout autre organe chargé de la sécurité des individus, une autorité créée en 2000. Son président l'a fait savoir haut et fort. Et l'ancienne majorité a battu en retraite.

7,2 millions consacrés à la réponse graduée

A partir de quel seuil budgétaire la présidente juge-t-elle qu'Hadopi ne pourra plus remplir ses diverses missions ? Pour l'instant, silence radio. Des négociations sont en cours avec les pouvoirs publics. Toujours est-il que "la réponse graduée" (les avertissements envoyés aux internautes) pèse 60 % du budget de 12 millions, soit 7,2 millions d'euros. "Mais nous n'avons pas le choix des missions, nous devons remplir toutes celles inscrites dans la loi", a-t-elle dit.

Démonstration par l'absurde : comment Hadopi contribue au budget de l'Etat

Dans une démonstration qui ne manque pas de sel, Mireille Imbert-Quaretta a voulu démontrer qu'en réalité les 12 millions d'euros de budget d'Hadopi faisaient économiser de l'argent au contribuable. "Selon l'étude d'impact réalisée pour Hadopi 2, le traitement via des procédures judiciaires aurait entraîné la création de 250 postes de fonctionnaires, soit un budget de 23 millions d'euros en année pleine", a-t-elle affirmé.


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