Pourquoi Quaero n'a pas créé le « Google européen »

Par Delphine Cuny  |   |  773  mots
Cinq ans après le lancement de ce programme de R&D qui touche à sa fin, force est de constater que l'objectif initial de créer un moteur de recherche de nature à rivaliser avec le géant américain. Oséo a investi près de 100 millions d'euros dans ce programme qui a donné naissance à des prototypes prometteurs.

Quaero (« je cherche » en latin), vous vous souvenez ? «L'objectif était de créer un Google européen. On en est quand même un petit peu loin ! » a lancé, lucide, Laure Reinhart, la directrice générale déléguée d'Oséo, aux responsables de ce programme de recherche qui a dressé ce jeudi un bilan de 5 ans de travaux. L'entreprise publique a investi près de 100 millions d'euros en cinq ans dans ce programme de R&D axé sur les contenus numériques, l'indexation et le multilinguisme.

« Ce sont des financements exceptionnels, quasiment du capital-risque, mais du capital-patient. Messieurs les industriels, il faudra rembourser les avances ! » a-t-elle prévenu les partenaires présents (32 entreprises dont de nombreuses PME). Les industriels (Orange, Technicolor, etc) ont financé à parts égales avec Oséo le programme Quaero qui a coûté au total 198 millions d'euros et doit s'achever en décembre. Le programme a donné naissance à 35 prototypes, de premiers déploiements industriels et commerciaux ont démarré (tous les détails ici). Une quarantaine de millions d'euros injectés par Oséo a concerné la partie aval, le développement expérimental (le solde a porté sur des subventions à la recherche industrielle) et a vocation à être remboursée en cas de succès commercial des projets.

De l'innovation radicale
Pourquoi Quaero n'a-t-il pas réussi à faire émerger le fameux « Google européen » voulu par Jacques Chirac et qui devait se faire dans un cadre franco-allemand initialement ? « C'est normal, c'est un peu de l'innovation radicale » relève, philosophe, Laure Reinhart. « Il faut se rappeler que la plupart des gens n'y croyaient pas aux débuts, en particulier les industriels. Il est important de se fixer des objectifs très ambitieux même si on n'arrive pas au bout, parce que le monde extérieur bouge. Tous les 18 mois, on se demandait ce que l'on faisait avec Quaero. Il y a eu des crises. On a redéfini les choses, on a fait entrer de nouveaux partenaires», tels que Yacast, Itesoft, Systran, etc.

« Scientifiquement, quelque chose s'est passé. Quaero a été une occasion unique de travailler avec les meilleurs chercheurs français. Deuxième point positif, des entreprises comme Exalead, qui a été rachetée par Dassault Systèmes, a pu faire des sauts technologiques. L'important est que ces moyens financiers ont été investis dans des projets et qu'on arrive à des résultats probants qui aboutiront, je l'espère, à de très belles exploitations commerciales » indique la directrice générale déléguée d'Oséo. « Ce ne sera peut-être pas LA rupture qu'on attendait mais de multiples ruptures. Le véritable impact de ce programme ne pourra être pleinement mesuré qu'après quelques années d'exploitation » nuance-t-elle.

Bientôt un Quaero du cloud, du mobile ou du Big Data ?
Parmi les projets prometteurs : le service de traduction de sites web SystranLinks qui compte déjà plusieurs clients étrangers, la plateforme de numérisation de Jouve qui a déjà converti en ebook 300.000 ouvrages, le système de TV interactive et sociale PVAA++ de Technicolor utilisé pour un projet grand public américain, la solution de veille cross-médias MediaCentric de Bertin Technologies (groupe CNIM) en exploitation au ministère de la Défense, le logiciel d'interaction gestuelle avec la TV de Moovea, et bien sûr la technologie d'indexation et d'annotation des documents multimédias CloudView d'Exalead, qui a été utilisée par l'Elysée pour la retranscription de discours du précédent Président de la République.

L'équipe aux commandes de Quaero espère que l'aventure ne s'arrête pas là. Le coordinateur de Quaero, Pieter van der Linden (responsable du centre de R&D de Technicolor à Paris), aimerait « travailler sur une suite du programme, sur des thèmes porteurs comme le cloud, le mobile ou le Big Data. » Problème : « a priori, il n'y a pas de moyens supplémentaires prévus pour Quaero » reconnaît Laure Reinhart. Si elle émet l'idée de « faire beaucoup d'autres Quaero par la suite, c'est une expression : ce programme est un exemple et nous croyons fortement à ce type de grands projets collaboratifs » précise la directrice générale déléguée d'Oséo. Toutefois, « rien n'empêche de remonter un projet dans un autre cadre, par exemple au sein des pôles de compétitivité. » Il reste un peu d'argent à engager dans le cadre des investissements d'avenir. Et elle souligne que le ministre du redressement productif « Arnaud Montebourg veut lancer un grand programme d'innovation radicale et définir les grands défis industriels de demain. » Un Quaero industriel ?