L'inquiétude grandit sur la gouvernance de Lagardère

Par Par Sandrine Bajos et Sandrine Cassini  |   |  512  mots
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La diffusion d'une vidéo où Arnaud Lagardère met en scène, de façon douteuse, son amour pour un mannequin relance les interrogations sur sa crédibilité à la tête de l'entreprise.

Y a-t-il encore un pilote dans l'avion ? La mise en ligne mercredi dernier d'une vidéo d'Arnaud Lagardère minaudant avec sa nouvelle compagne de 20 ans, le mannequin belge Jade Forêt, a fait l'effet d'une bombe à l'intérieur du premier groupe de médias français qui occupe de surcroît une place stratégique dans le paysage aéronautique et militaire avec ses 7,5% d'EADS.

Cette déclaration d'amour télégénique, d'un goût peu sûr, c'est un euphémisme, aurait pu être considérée comme un "accident", si elle n'était pas une nouvelle illustration de la désinvolture avec laquelle Arnaud Lagardère, 50 ans, conduit son groupe qui employait 28.000 personnes fin 2010. Désinvolture dont se plaignent depuis longtemps ses cadres dirigeants et certains actionnaires. "On dit que c'est Liliane Bettencourt qu'il faut mettre sous contrôle. Et Arnaud Lagardère? Au moins L'Oréal, c'est géré !" s'emporte un membre de l'état-major. L'héritier de Jean-Luc Lagardère a toujours été poursuivi, discrètement, par sa réputation de dilettante. Cette fois, les langues se délient. "Depuis six mois, le groupe est à l'arrêt. Arnaud décale ou annule tous ses rendez-vous."

Ce basculement d'Arnaud remonte, pour certains, à l'assaut de Guy Wyser-Pratte, l'ex- actionnaire activiste, qui a au printemps 2010 tenté de changer la gouvernance du groupe. "Arnaud a alors compris qu'il était intouchable quoi qu'il fasse", analyse un proche. En effet, le statut de société en commandite par actions (SCA) mis en place par son père, Jean-Luc, le rend inamovible alors qu'il possède 10% du capital du groupe.

Où en est Lagardère, justement ? Depuis un an, l'héritier semble avoir donné un coup d'accélérateur à sa stratégie d'élagage amorcée il y a quelques années, mais dont les critères restent illisibles. Ainsi, à la surprise générale, il a vendu cette année ses magazines étrangers pour 650 millions d'euros à l'américain Hearst. En 2010, il avait aussi cédé une précieuse fréquence TNT, Virgin 17, à Bolloré. Malgré les démentis, certains parient maintenant sur le désengagement de la production audiovisuelle, des radios musicales (RFM et Virgin Radio) et la presse. Quant à ses participations minoritaires, il peine à s'en défaire : 25% du groupe Amaury ("Le Parisien", "L'Équipe"), 49% de "Marie-Claire" et 20% de Canal Plus.

Aux médias, Arnaud Lagardèrerave;re préfère de toute façon le sport. Il a investi plus de 1 milliard d'euros dans sa filiale spécialisée Lagardèrerave;re Unlimited. Mais ses performances restent décevantes : son résultat opérationnel a été divisé par deux en 2010, à 28 millions d'euros. Sera-t-il plus chanceux avec son nouveau dada : l'entertainment et le spectacle vivant (organisation de grands shows comme "Mozart l'opéra rock"...) ? Deux citadelles de l'empire vivent, elles, loin des turpitudes du siège parisien de la rue de Presbourg : Hachette Livre, le numéro un français de l'édition, dirigé par Arnaud Nourry, un patron discret qui affiche de beaux résultats et la distribution (Relay...), une tirelire confortable.