Nouveau mélodrame dans la copie privée

Par Sandrine Cassini  |   |  692  mots
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Quasiment tous les industriels membre de la Commission copie privée ont envoyé leur lettre de démission au gouvernement. Ils protestent contre les nouveaux barèmes qui vont frapper les DVD, et autres iPad, destinés à financer la culture. Le flou juridique règne autour de l'avenir du système.

Le pire n?est jamais sûr avec la copie privée. Cette commission copie privée, chargée de définir les taux, et les supports redevables d?une taxe rémunérant les copies des ?uvres effectuées par les particuliers, a connu un mouvement spectaculaire de démission rendu officiel mardi. Cinq des six organisations professionnelles, représentant les groupes électroniques informatiques et les distributeurs* se sont retirés de la commission. Seule la Fédération Française des Télécoms n?a pour l?instant pas pris de décision définitive. «Nous avons adressé hier nos lettres de démission aux ministres concernés», a déclaré Maxence Demerlé, qui représente la SFIB. Les missives ont donc été adressées aux ministre de l?Economie et des Finances Pierre Moscovici, à la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et au ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg.

Le collège de la commission qui compte 24 membres ?12 ayants droit, 6 représentants des consommateurs et autant de représentants des industriels ? se retrouvent donc fort dépourvu. Cette démission intervient alors que les parties prenantes devaient s?entendre sur le nouveau barème de rémunération, l?actuelle grille arrivant à échéance le 21 décembre prochain. «Il y a eu un coup de Jarnac le 20 septembre dernier. Les ayants droit nous ont montré des barèmes qui affichaient des multiplications par 2 ou 3 de la taxe sur certains produits», se plaint Maxence Demerlé. Les taxes concernent l?ensemble des supports électroniques ?CD et DVD vierges, mais aussi tablettes numériques, smartphones, et même appareils GPS.

Un grand flou

Que se passera-t-il le 22 décembre? Les industriels, qui disent «ne pas claquer la porte», assurent tenir là le moyen de pousser à une remise à plat du système. Le Conseil d?état ayant par le passé annulé de multiples décisions tarifaires, ils sont sûrs que quasiment aucun des précédents barèmes ne serait valable. «Peut-être celui de la VHS», a plaisanté Olivier de Chazeaux, s?exprimant au nom du Simavelec.

Evidemment, les ayants droit ne sont pas d?accord avec cette lecture des choses. «La Commission reste à même d?adopter régulièrement les décisions qu?elle a prévu de prendre pour assurer la continuité de la mise en oeuvre, à compter du 1er janvier 2013», indique un communiqué commun de l?ensemble des bénéficiaires.

Une sortie de l'impasse délicate

Pour sortir de l?impasse, le gouvernement «peut soit re-désigner de nouveaux membres mais nous représentons 95% des industriels concernés, soit en réduire le nombre par décret, mais il faut quand même conserver les proportions, soit faire voter une nouvelle loi, mais c?est impossible dans les délais. Il a aussi la possibilité de fiscaliser directement la compensation», détaille Olivier de Chazeaux. Dans l?assemblée mardi matin, certains industriels pensaient quand même que le gouvernement trouverait une solution pour proroger les barêmes en vigueur en attendant une éventuelle sortie de crise.

Vers une mise sous séquestre? 

Reste à savoir ce que feront les fabricants si le flou juridique n?est pas dissipé d?ici au 21 décembre. Sony par exemple continuera-t-il à adresser des factures mentionnant la taxe? La décision doit être prise par les entreprises. Les têtes brûlées pourraient adopter une attitude jusqu?au-boutiste. D'autres s'en tenir à la situation actuelle. Solution plus soft soufflée pendant la réunion, certains pourraient décider de continuer de collecter la taxe, sans la reverser aux ayants-droit, en la tenant sous séquestre en attendant d?avoir satisfaction. Pour la culture, l?enjeu est de taille: elle a perçu 192 millions d?euros en 2011, 25% de cette somme est destinée au financement d?actions culturelles, le reste est redistribué à toute une série de bénéficiaires. Signe qu?ils prennent quand même la démission des industriels au sérieux, les ayants-droit faisaient part de leur «indignation».

* La Fevad (e-commerce), le Simavelec (fabricants), le Sfib (groupes informatiques), le SNSII (image), le Secimavi informatique et électronique).