La fin du téléphone cher à l'étranger dès 2014, le pari fou de Neelie Kroes

Par Delphine Cuny  |   |  798  mots
Neelie Kroes, Commissaire européenne en charge de l'Agenda numérique de l'Union. Copyright Reuters
La commissaire européenne en charge du numérique vient d'annoncer aux eurodéputés qu'elle voulait supprimer les frais de « roaming » au sein des pays de l'Union. Ce qui fait grincer des dents les opérateurs. Free Mobile a récemment permis à ses abonnés d'utiliser leur forfait sans surcoût au Portugal.

A un an des élections européennes, la commissaire en charge du numérique Neelie Kroes vient de faire une proposition alléchante aux eurodéputés. « Je veux que vous puissiez dire à vos électeurs que vous avez été capables de faire disparaître les frais de roaming mobile », a-t-elle déclaré ce jeudi devant le Parlement européen. Le « roaming », ce sont les frais d'itinérance facturés dès que l'on quitte son pays de résidence, par l'opérateur mobile étranger qui achemine l'appel. « Tout le monde apprécie les effets de la baisse des prix du roaming décidée par l'Europe. C'est la seule chose que même les « eurocritiques » s'accordent à mettre au crédit de l'UE. Et cela n'aurait jamais pu arriver sans l'Union européenne », a fait valoir Neelie Kroes. « Débarrassons-nous des coûts de roaming mobile une bonne fois pour toutes ! Travaillez avec moi pour y arriver », a-t-elle poursuivi sur son compte Twitter, en interpelant l'initiative citoyenne européenne One Single Tariff, fondée par deux jeunes Français, et qui plaide depuis décembre dernier pour cette cause.

« La date d'abolition du roaming reste ouverte »
Depuis 2007, la Commission a plafonné le prix des appels émis et reçus en itinérance, baptisé « eurotarif. » De 49 centimes en 2007, ce dernier a baissé de 40% en cinq ans à 29 centimes à l'été 2012 et diminuera encore à 24 centimes le 1er juillet prochain, puis 19 centimes l'année prochaine et les trois suivantes (la réception d'appels coûte deux à trois fois moins cher). Les SMS et l'Internet mobile sont aussi plafonnés (voir le détail ici). Or Neelie Kroes propose d'aller beaucoup plus loin et plus vite, en appelant à finaliser au printemps prochain, Pâques 2014 (lire son discours anglais), le « paquet » télécoms, le cadre réglementaire général du secteur, qui déciderait donc cette suppression totale des frais d'itinérance... « La date d'abolition reste une question ouverte. Elle dépendra des eurodéputés et des dirigeants de chaque pays », nuance l'entourage de Neelie Kroes.

Plus de 1 milliard d'euros de recettes en France
La commissaire de 71 ans, dont le mandat arrive à échéance l'an prochain, a repris le cheval de bataille de Viviane Reding, qui avait mené une véritable croisade contre cette rente des opérateurs mobiles (de la pure marge). Le roaming a rapporté à l'ensemble des opérateurs mobiles dans le monde plus de 46 milliards de dollars en 2012 selon Juniper Research (plus de 4 milliards estimés en Europe). En France, les quatre opérateurs mobiles ont engrangé près de 1,2 milliard d'euros de recettes d'itinérance (401 millions de « roaming-in » des clients étrangers en visite en France et 790 millions de « roaming-out » c'est-à-dire des clients français en déplacement). Stéphane Richard, le PDG d'Orange, avait plaidé devant la Commissaire l'an dernier que les opérateurs des pays du Sud de l'Europe, plus touristiques, étaient davantage pénalisés par la baisse du roaming que leurs homologues du Nord. Le lobbying des opérateurs devrait reprendre de plus belle à Bruxelles afin de freiner les velléités de la Commissaire et des eurodéputés en mettant en avant la récession du secteur en Europe.

Free Mobile pionnier de la fin du roaming au Portugal
Quel que soit le sort réservé aux nouvelles propositions de Neelie Kroes, ces revenus pourraient à nouveau baisser dès l'été prochain lorsqu'il sera désormais possible de choisir un opérateur spécifiquement pour le « roaming » au cours d'un déplacement dans l'Union, comme le prévoit le règlement de l'an dernier. Actuellement, un consommateur ne peut choisir son tarif à l'étranger, il est dépendant de l'accord de roaming que son opérateur national a conclu avec un acteur du pays visité. « La proposition de la Commission sur la fin du roaming apparaît étonnante », a réagi jeudi Orange, rappelant que « les opérateurs ont lancé des investissements lourds », en informatique notamment, pour se mettre en conformité avec cette nouvelle obligation de « découpler » prestations nationales et d'itinérance. « Il nous semble qu'il faut avant tout mettre en ?uvre ce troisième règlement et effectuer le bilan de cette mise en ?uvre, avant de penser à de nouvelles mesures », observe l'opérateur français, qui reconnaît cependant que « augmenter la consommation des consommateurs finaux est dans l'intérêt bien compris des opérateurs. Le mois dernier, Free Mobile a annoncé que ses clients pouvaient utiliser leur forfait depuis le Portugal sans surcoût, dans la limite de 35 jours par an. Les concurrents de Free incluent souvent les appels vers l'Europe dans leurs forfaits haut de gamme (plus de 80 euros par mois). Orange réfléchit également à des offres destinées aux diasporas et aux voyageurs internationaux.