L'ISF, une vraie-fausse exception !

Par Ivan Best  |   |  600  mots
L'île de Ré, où de nombreux agriculteurs pestent contre l'ISF, après avoir voulu valoriser leur terrain en le déclarant constructible (Crédits : <br /><small>Source : <a href="http://prix-immobilier)
Nicolas Sarkozy propose de supprimer l'ISF, une anomalie française. S'agissant de l'immobilier, la taxation des fortunes est en fait souvent plus faible en France qu'ailleurs.

L'ISF, une anomalie française ? Candidat à l'élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy n'envisageait pas sa suppression. Les Français ne sont pas prêts, jugeait-il alors. Aujourd'hui, il condamne cet impôt que seule la France détient encore dans son arsenal fiscal, affirme-t-il. La réalité est plus nuancée.

Aux Pays-Bas, le fisc impose un revenu théorique issu du patrimoine détenu par les particuliers. Et surtout, dans de nombreux pays développés, le patrimoine immobilier est taxé à un niveau équivalent à l'ISF, voire plus. Tout particulier soumis à l'ISF est persuadé que son sort fiscal serait plus favorable ailleurs. C'est évidemment en France que le patrimoine immobilier est le plus taxé, penset-il. Imaginez : il y a la taxe foncière, et surtout l'ISF, à partir d'un patrimoine net de dettes de 1,3 million d'euros. D'un point de vue macroéconomique, le total représente pas loin de 20 milliards d'impôts annuels, soit 1% du PIB !

La réalité est quelque peu différente

Si c'est l'enfer en France, alors ailleurs... Beaucoup d'autres pays imposent la propriété immobilière, et souvent nettement plus qu'en France. Imaginez un heureux Californien, résidant dans un État à la pointe du combat contre l'ogre fiscal. Il paiera chaque année une taxe foncière équivalente à au moins 1% de la valeur vénale - de marché - de son logement... Au total, les contribuables résidant aux États-Unis s'acquittent de taxes sur leur patrimoine immobilier équivalentes à 2,7% du PIB, selon les statistiques de l'OCDE. Soit près de trois fois plus qu'en France.

Au Royaume-Uni, les property taxes sont également considérables. Leur poids global atteint 1,7% du PIB. En Italie, depuis Mario Monti qui a décidé de taxer la résidence principale, cette taxation de l'immobilier atteint 1,5% du PIB. Et même la Suisse, si souvent assimilée à un paradis fiscal. La propriété immobilière y est imposée à hauteur de 2% du PIB. Il est vrai qu'il s'agit plus souvent d'investisseurs institutionnels que de particuliers. En Espagne, l'imposition est du même niveau qu'en France, 1% de la richesse nationale. En Belgique, c'est 0,84% du PIB. Seule l'Allemagne se distingue avec une imposition très faible (0,2%), mais dans ce cas-là, les particuliers sont rarement propriétaires.

Moins taxer le travail, plus la propriété

Pourquoi tous ces pays taxent-ils la propriété immobilière ? Parce que c'est plus facile, avant tout. Un immeuble, on ne le délocalise pas si aisément... Et puis, il est préférable de taxer l'immobilier, plutôt que des facteurs productifs. C'est ainsi que l'OCDE suggère périodiquement à la France de baisser les prélèvements obligatoires sur le travail, qui nuisent évidemment à l'emploi, pour les basculer en grande partie sur l'immobilier. Les experts du Château de la Muette ont évidemment en tête la fiscalité anglo-saxonne, les fameuses property taxes.

Aucune comparaison internationale ne justifie en tout cas la suppression de l'ISF, tout au moins pour ce qui concerne l'immobilier (plus 40 % de la base taxable). L'alignement sur les autres pays justifierait au contraire une taxation... accrue de ce type de patrimoine.

Mais ce n'est pas vraiment à l'ordre du jour...

Supprimer l'ISF, ce serait en outre faire perdre des ressources importantes à l'État - plus de cinq milliards d'euros -, sauf à imaginer une immense vague de retour d'exilés fiscaux, prêts à investir et dépenser en masse. Et cela serait aussi enlever une incitation au rendement des actifs : cet impôt pousse évidemment à investir dans des actifs rentables - même sous forme d'assurance-vie et non dans des obligations publiques, qui ne rapportent plus rien.