A Wroclaw, les ministres des Finances européens se sont mis d'accord... pour tacler les Etats-Unis

Par latribune.fr  |   |  725  mots
Copyright Reuters
A l'issue de deux jours de réunion à Wroclaw, les ministres européens des Finances n'ont pas réussi à s'entendre et se sont donnés jusqu'à octobre pour parvenir un accord sur le plan grec. Mais le consensus a été beaucoup plus facile à trouver pour s'en prendre à la présence du secrétaire américain au Trésor dans cette réunion européenne.

Comme on dit en bon français : « Qui va piano, va sano »... Mais pourra-t-on aller ainsi « lontano » ? Alors que sur les marchés financiers des milliards peuvent changer de main en quelques nanosecondes, les ministres des Finances de l'Union européenne, notamment les dix-sept de l'Eurogroupe, prennent beaucoup de temps pour négocier avant ratifier... l'accord conclu le 21 juillet sur la deuxième aide à la Grèce. Réunis vendredi et samedi à Wroclaw, en Pologne, ils se sont donné jusqu'à la mi-octobre pour trouver un accord, au lieu de septembre initialement prévu. Ce qui a notamment provoqué samedi « l'indignation » de l'ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors.
Cette réunion n'aura-t-elle servi à rien ? Pas tout à fait. Car si ce sommet des grands argentiers européens a été surtout marqué par des désaccords persistants sur la réponse à apporter à la crise de l'endettement des pays du sud de l'Europe, à commencer par le sauvetage de la Grèce, il a aussi été l'occasion d'un sursaut (rassurant ?) de fierté européenne, grâce à Timothy Geithner, qui s'était invité à la réunion à la surprise générale.
Vendredi, le secrétaire américain au Trésor est donc venu exprimer les inquiétudes de Washington et demander aux pays de l'UE qui le peuvent de mettre en ?uvre des mesures de relance de leur économie pour doper la croissance. « Il est très dommage de constater, a-t-il notamment lancé, qu'il existe non seulement des divisions dans le débat sur la stratégie en Europe, mais aussi qu'un conflit existe entre les gouvernements et la BCE ».
Fin de non recevoir
Il s'est aussitôt fait sévèrement tacler et à plusieurs reprises par les Européens. En témoigne l'échange entre Timothy Geithner et son homologue allemand Wolfgang Schäuble rapporté à quelques journalistes par la ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter. « Il (Timothy Geithner) a insisté sur le fait que plus de fonds étaient nécessaires afin d'éviter que le système (financier) se trouve en difficulté. (Wolfgang) Schäuble lui a répondu qu'il était très improbable qu'il soit possible de faire peser ce fardeau sur les contribuables, en particulier si ce fardeau est imposé principalement aux pays AAA", a-t-elle expliqué. "Dans ces pays, a-t-elle ajouté, il y a un désir de mettre en oeuvre une taxe sur les transactions financières (...) Il (Geithner) l'a exclu ».
"Je trouve bizarre qu'alors même que les Américains ont des fondamentaux bien plus mauvais que ceux de la zone euro, ils nous disent ce qu'on doit faire et que lorsque nous leur faisons une suggestion, ils disent non immédiatement (...) J'aurais espéré que lorsqu'ils nous disent comment ils voient le monde ils écoutent ce que nous avons à leur dire", a-t-elle insisté.
Lors de la conférence de presse postérieure à la réunion de l'Eurogroupe, son président, Jean-Claude Juncker, a lui aussi apporté une fin de non recevoir aux demandes américaines de mettre un frein à l'austérité et d'augmenter les capacités de son Fonds de secours (FESF). Et Jean-Claude Junker d'ajouter : « Nous ne discutons pas de l'élargissement ou de l'accroissement du FESF avec un pays non membre de la zone euro ».
Coup de pied de l'âne
Enfin, samedi, à l'issue de la réunion de Wroclaw, alors que le président de la Banque centrale européenne (BCE) est venue apporter sa contribution sous forme du coup de pied de l'âne (aux yeux américains) : "Prises dans leur ensemble, l'Union européenne et la zone euro sont dans une situation probablement meilleure que les économies d'autres grands pays développés", a souligné Jean-Claude Trichet.
Quant au sauvetage de la Grèce, aucune avancée concrète n'a été enregistrée pour la finalisation du second plan d'aide de près de 160 milliards d'euros promis, alors que le pays est menacé d'un défaut de paiement s'il n'obtient pas de rallonge financière. Le plan du 21 juillet "prend un certain temps, car nous vivons en démocratie, mais début octobre tout sera en place", a voulu rassurer Luc Frieden, ministre luxembourgeois des Finances. Il semble que le dossier bloque les garanties financières exigées par la Finlande en échange de nouveaux prêts. Les négociations vont donc se poursuivre.
Jean-Louis Alcaide