Maurice (Lévy), François, Nicolas... et la taxation des hauts revenus

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  773  mots
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L'annonce que Maurice Lévy, président du directoire de Publicis, allait percevoir cette année une rémunération différée de 16 millions, conforte François Hollande dans sa volonté de créer une tranche exceptionnelle à 75%. Si Nicolas Sarkozy est réélu, Maurice Lévy sera imposé à hauteur de 7, 2 millions; si c'est François Hollande ce sera... 12 millions.

Acte manqué ? Bourde ? Bonne foi déconcertante ? On ne sera sans doute jamais comment Maurice Lévy, président du directoire du groupe Publicis, l'un des leaders mondiaux de la communication, a pu commettre une telle erreur de... communication. A un mois du premier tour de l'élection présidentielle, La tribune.fr a été en mesure d'annoncer que Maurice Lévy allait percevoir cette année 16 millions de "rémunération différée" depuis 2003, en sus de sa rémunération régulière, estimée par le magazine "Challenges" à 3,6 millions d'euros en 2011. Et ce en plein débat sur la nécessaire ou non "taxation des riches".

François Hollande, prenant prétexte de l'émoi suscité par l'augmentation moyenne de 34% en 2011 des patrons des entreprises du CAC 40, a décidé d'instituer, s'il arrivait à l'Elysée, un nouveau taux d'imposition marginal de 75% sur les revenus supérieurs à un million d'euros. Le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, lui, milite pour la mise en place d'un "salaire maximum annuel"  fixé à 20 fois le salaire médian, soit actuellement 360.000 euros.


Maurice Lévy pour une taxation exceptionnelle des hauts revenus...

Maurice Lévy, par ailleurs président de la très influente Association française des entreprises privées (Afep), qui regroupe les 80 plus importantes sociétés françaises, avait défrayé la chronique en août 2011 en écrivant dans le journal "Le Monde" : "il me paraît indispensable que l'effort de solidarité passe d'abord par ceux que le sort a préservé". En d'autres termes, il plaidait pour une imposition supplémentaire sur les hauts revenus... Au grand dam de ses pairs. Or, le même, quelques mois plus tard, s'insurgeait devant la décision de François Hollande d'instaurer un taux marginal à 75% sur les très hauts revenus "Ce débat est un écran de fumée par rapport aux véritables enjeux. Le niveaux des prélèvements français est l'un des plus élevés au monde". écrit-il début mars 2012 sur le Huffington Post. Alors, deux poids, deux mesures ? Pas tout à fait en vérité. Dès le mois d'août 2001, Maurice Lévy accompagnait sa proposition de taxer davantage les hauts revenus de conditions visant à limiter les dépenses publiques. Et le patron de Publicis précisait que la taxation supplémentaire ne pouvait être que provisoire.


... Mais contre toute mesure pérenne

Or, en octobre 2011, dans le cadre du projet de loi de finances 2012, le gouvernement Fillon a fait adopter une mesure "temporaire" instituant une "taxation exceptionnelle supplémentaire" (au-delà du taux de 41% de la dernière tranche d'impôt sur le revenu) de 3% pour les revenus compris entre 250.00. et 500.000 euros et de 4% pour les revenus supérieurs à ce seuil. Prélèvement en vigueur, prévoit le texte, "jusqu'à ce que les finances publiques soient à l'équilibre". Soit, au mieux, 2016 ou 2017.
Adepte de la formule "Il faut que tout change pour que rien ne change", lancée par Tancrédi, dans "Le Guépard", le chef-d'?uvre de Lampedusa, Maurice Lévy s'était satisfait de cette mesure.... En théorie, avec, cette surtaxation, il devrait verser, au titre de l'IRPP, 7,2 millions des 16 millions d'euros de rémunération différée perçus.

Ses 16 millions seraient imposés à hauteur de 7,2 millions, 12 millions ou 12,6 millions selon le choix du prochain président

Avec la mesure prônée par François Hollande, le dû de Maurice Lévy s'élèverait à... 12 millions d'euros. Sauf que, Michel Sapin, ancien ministre PS de l'Economie et très proche de François Hollande, convenait que pour les revenus exceptionnels, l'imposition pourrait être étalée dans le temps. Enfin, Avec Jean-Luc Mélenchon aux commandes, Maurice Lévy aurait été contraint de reverser 1,4 million annuellement durant 9 ans, soit 12,6 millions d'euros.
Au-delà de ce théorique et approximatif exercice fiscal, "l'affaire Maurice Lévy" vient grossir le déjà très nourri dossier des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises. Ainsi, Antoine Zacharias, ancien patron de du groupe Vinci, qui a quitté son entreprise en 2006 avec une indemnité de 12,8 millions d'euros, une retraite complémentaire annuelle de.. 2,1 millions, sans compter les plans de stock-options.

Il a depuis été mis en examen pour abus de bien sociaux. Ou encore en 2009, les cadres dirigeants de la Société Générale avaient dû, face à la pression publique, renoncer à s'attribuer 320.000 stock-options, alors que la banque avait bénéficié d'une aide de l'Etat de 1,7 milliard, notamment en raison des dysfonctionnement mis en lumière avec l'affaire du trader Jérôme Kerviel qui avait fait perdre 4,9 milliards à l'établissement.